On attendrait d’une chronique de début d’année consacrée aux marchés financiers une prévision de la performance pour l’année en cours. Eludons tout de suite la question en nous ralliant au consensus, toujours le même en chaque début d’année : 8 à 10%. Suivons plutôt l’aphorisme prêté au général de Gaulle : «Prenez la position la plus élevée, c’est la moins encombrée.» Cela fait des années que les experts annoncent la fin du cycle haussier des actions, il est vrai le plus long de l’histoire. Ils dressent un inventaire à la Prévert des nombreux risques qui menacent les marchés d’actions, mais qui n’ont pas entamé pour l’instant leur marche en avant.
La prise en compte du temps long apporte un éclairage particulier. Le ratio des capitalisations boursières aux PIB des plus grands pays se situe à environ 1 aujourd’hui (0,7 pour la France). Ce ratio est devenu trois fois supérieur à ce qu’il était pendant la plus grande partie du 20e siècle, principalement grâce à la hausse des cours. Cette chevauchée fantastique des trente dernières années est la traduction patrimoniale d’un certain nombre de phénomènes disruptifs qui devraient continuer à faire travailler la poutre boursière. Et d’abord le facteur principal qui impacte les marchés d’actions dans la durée : la destruction créatrice provoquée par les innovations technologiques et les progrès de productivité qui les accompagnent, lesquels dopent la croissance. Deux autres facteurs sont notamment susceptibles d’impacter aussi l’évolution des marchés d’actions : la démographie et les inégalités de revenus et de patrimoine.
La démographie vieillissante que nous connaissons contribue à la baisse des taux d’intérêt réels et sa poursuite devrait contribuer à une baisse progressive supplémentaire de l’ordre de 100 points de base. L’impact sur les marchés d’actions serait direct. En effet les prix des actions représentant la valeur actuelle de leurs flux futurs, celle-ci est d’autant plus élevée que les taux sont durablement faibles.
Un autre facteur impacte les taux d’intérêt dans le sens de la baisse, celui des inégalités, du fait de l’augmentation de la part des revenus des ménages riches dans le PIB, et de l’augmentation de leur épargne, et donc du taux d’épargne global. Même si les inégalités devaient se résorber, cela ne pourra se réaliser que progressivement.