
Sur la scène feutrée du théâtre d’Anfoushi à Alexandrie, le rideau s’est levé sur une audacieuse relecture du chef-d’œuvre shakespearien : « Hamlet… Le rendez-vous manqué », fruit d’une expérience scénique inédite menée par la direction générale des palais de la culture, présidée par le général Khaled El-Labban, dans le cadre des programmes du ministère de la Culture égyptien.
Ce spectacle gratuit, inscrit dans la saison théâtrale du gouvernorat d’Alexandrie, s’est tenu sous la supervision de Mohamed Nassef, vice-président de l’institution, et avec l’appui de l’administration centrale des affaires artistiques dirigée par l’artiste Ahmed El-Chafii.
Mis en scène par Fikry Salim, le spectacle propose une hybridation singulière : une immersion dans les abîmes psychologiques du prince danois, mâtinée d’un souffle populaire inspiré de la figure de Sâad El-Yatim, ce héros tragique issu du patrimoine narratif égyptien. En convoquant Shakespeare et le conte traditionnel, Salim érige un pont entre l’universalité des passions humaines et la familiarité du folklore local.
La trame demeure : Hamlet, bouleversé par l’assassinat de son père, lutte avec ses démons, tiraillé entre le désir de vengeance et l’incapacité d’agir. Mais ici, cette histoire est contée dans une langue populaire, épurée de l’apparat élisabéthain, et offerte au spectateur comme une confidence murmurée autour du feu. Le prince torturé devient un miroir tendu à chaque conscience en proie à l’hésitation.
« Ce Hamlet-là n’est plus une figure de théâtre lointain. Il devient l’un des nôtres, » explique Fikry Salim. « J’ai voulu retrouver dans ce personnage les accents de Sâad El-Yatim, symbole de douleur et de justice différée dans notre mémoire collective. Ce spectacle est une tentative de faire parler l’universalité avec le cœur des peuples. »
Le jury présent à la représentation – composé de metteurs en scène, de critiques et d’artistes comme Ahmed Taha, Mohamed Haggag, la scénographe Rania Haddad, le critique Yousri Hassan et le compositeur Ihab Hamdi – a salué l’audace de cette fusion des genres et des formes.
La distribution est portée par les voix sensibles de Medhat Ghoneim, Ahed Ayman, Ali Ibrahim, Dalia El-Yakouty, Hassan Fahd, Hazem Said, Samir Ragab, Nihal Osama, Ahmed Nasser, Youssef Medhat, Ashraf Fathy, Retaj El-Sayed, Sara Mohamed, Mona Mohamed, Nagham Mostafa, Samir Kandil, Mahmoud Nassar et Mohamed Ezz El-Din.
Les décors et costumes sont signés Walid El-Sebaï, les chorégraphies par Yassin El-Sharif et Mohamed Ezz, les compositions musicales par Medhat Nazeer, et la vidéo par Youssef Medhat. Le stylisme est confié à Ghada El-Shahawy.
La soirée théâtrale s’est prolongé vendredi avec deux autres performances notables : « L’Hôtel des deux mondes », inspiré de l’œuvre d’Éric-Emmanuel Schmitt et mis en scène par Mohamed El-Haddad au théâtre de la Culture de Chatby, et « R.U.R. – Les robots universels de Rossum », d’après l’auteur tchèque Karel Čapek, proposé par le théâtre de Mostafa Kamel et dirigé par Fikry Ibrahim.
Ainsi s’écrit, dans les veines de la scène égyptienne, une parole théâtrale en quête d’ancrage et d’ouverture, conjuguant le souffle du patrimoine et les pulsations du monde.