Au milieu des décombres, des sirènes et de l’incertitude, Gaza continue de battre, de respirer et aussi… de rêver. Dans cette enclave meurtrie, où la guerre façonne chaque jour le quotidien, une jeunesse courageuse a choisi de faire entendre une autre voix- celle de la musique, du dessin, de la lecture.
Par Névine Ahmed
Des jeunes, eux-mêmes enfants de la guerre, organisent des séances artistiques pour les plus petits. Dans des abris improvisés, des écoles, ou parfois à même la rue, ils sortent des crayons, des instruments, des livres, et offrent aux enfants un souffle d’espoir, une échappée vers un monde plus doux. Là où le bruit des bombes domine, ils créent un espace où la beauté prend le dessus. Ce n’est pas seulement une distraction, c’est aussi une forme de résistance. Un acte de foi en la vie. En peignant un arbre, en jouant un air, en lisant une histoire, ces enfants apprennent que malgré la peur, la vie peut encore se déployer. Ces initiatives, modestes mais profondément humaines, sont un rempart contre le désespoir. Elles rappellent au monde que même dans la destruction, il y a toujours des graines de lumière prêtes à éclore.

Dans les camps de déplacés de la bande de Gaza, la guerre a volé les mots, mais pas l’espoir, dit sur un ton décisif, Gaber Thabet, activiste communautaire originaire de Nusseirat et déplacé comme tant d’autres. Gaber a décidé, avec un groupe d’amis, de s’opposer à la violence, à travers le langage universel de l’humanité : la musique, le dessin et la lecture. Il raconte que tout a commencé grâce à son ami Hamada Al-Habbach, professeur à l’Institut de musique, qui a lancé l’idée d’organiser des ateliers musicaux pour les enfants réfugiés, étant convaincu que “les enfants ont besoin de retrouver le sourire”. Le premier atelier a ainsi vu le jour avec 10 enfants. Ensemble, ils ont formé une petite chorale. Ils ont chanté, ensemble, pour la première fois depuis des mois. Le moment fut bouleversant. Ensuite, les ateliers ont pris de l’ampleur et gagné en professionnalisme. Mais au-delà de l’organisation, c’est l’impact humain qui reste le plus frappant. “Les enfants ne savaient pas comment dire ce qu’ils ressentaient”, explique Gaber. “Ceux qui avaient perdu un père restaient silencieux lorsqu’on leur posait des questions. Mais dès qu’ils chantaient ou jouaient d’un instrument, leur douleur jaillissait. Parfois sous forme de larmes, parfois de rires qu’ils n’avaient pas connus depuis des mois.”
La musique est ainsi devenue leur langue.
A la recherche de leur enfance
Gaber Thabet ajoute que l’expérience ne s’est pas arrêtée à la musique. Très vite, le dessin est devenu une autre forme de thérapie, permettant aux enfants de projeter leurs émotions là où les mots échouent. Il raconte une scène bouleversante, lorsqu’un enfant a dessiné une maison entière, colorée, puis a dit : “C’est ma maison, elle a été détruite, alors je veux la garder sur le papier pour ne pas l’oublier. Une autre fille a peint un arbre peuplé d’oiseaux. Son rêve est d’entendre le chant des oiseaux à la place du bruit des avions. A travers les couleurs, les enfants retrouvent un semblant de liberté. Et le changement est perceptible. Le dessin devient alors un langage de reconstruction intérieure.

Mais ce voyage vers la résilience passe aussi par l’imaginaire. La lecture a ouvert une autre porte, celle du rêve éveillé. Là, Gaber souligne avoir rassemblé des livres d’enfants, certains offerts par des donateurs, et donc, il a commencé à lire à voix haute devant les enfants, souvent assis en cercle. Leurs yeux s’illuminaient à mesure qu’ils s’identifiaient aux héros des histoires. Avec les jeux de rôles et l’imitation des voix, les séances de lecture sont devenues des moments de rire partagé et de connexion collective. Dans un quotidien marqué par l’attente et la peur, ces instants suspendus offrent un refuge, un lieu imaginaire où les enfants peuvent redevenir simplement des enfants.





