Le « oversize » — ces vêtements volontairement trop larges — est en train de s’imposer comme une tendance phare parmi la jeunesse égyptienne. Dans les rues du Caire, d’Alexandrie ou même des villes de province, il n’est plus rare de croiser garçons et filles noyés dans des sweats XXL, des chemises amples ou des pantalons larges. Plus qu’une simple mode, ce choix vestimentaire devient pour beaucoup une manière de se sentir bien dans leur peau et de s’affranchir des regards jugés trop intrusifs.
Pour certains, porter des vêtements amples permet de cacher ce qu’ils considèrent comme des « défauts » : une poitrine trop voyante, une silhouette trop mince, des formes qu’ils estiment disproportionnées. Derrière ces choix, il y a la volonté de se protéger des jugements, parfois cruels, de leurs camarades, mais aussi de créer une distance avec une société qui valorise encore fortement l’apparence.
« J’ai toujours eu l’impression que tout le monde fixait mes jambes. Depuis que je porte des pantalons oversize, je me sens enfin invisible… et paradoxalement plus libre », raconte Nour, 18 ans, lycéenne à Alexandrie.
Mais le « oversize » ne se limite pas à un simple camouflage. Pour beaucoup, il devient un terrain d’expérimentation stylistique, un moyen de s’exprimer à travers la mode sans suivre les codes traditionnels.
« Moi, je ne cherche pas à cacher mon corps. J’adore le oversize parce que ça me donne une allure unique. Je combine des chemises trop grandes de mon père avec des baskets modernes, et j’ai l’impression d’avoir inventé mon propre style », confie Karim, 21 ans, étudiant en design graphique.
La tendance s’explique aussi par l’influence des réseaux sociaux, où les vidéos TikTok et Instagram regorgent de jeunes influenceurs en sweats XXL, hoodies colorés et jeans baggy. Les stars internationales de la K-pop ou du hip-hop, largement suivies en Égypte, ont également contribué à normaliser cette esthétique qui brouille les frontières entre les genres et met en avant le confort plutôt que la séduction.
Pour certains parents, ce style vestimentaire interroge. Les générations plus âgées, attachées à une mode plus « ajustée » ou formelle, peinent à comprendre cette quête de volume. « Ma mère me répète que mes vêtements donnent l’impression que je flotte dedans. Mais moi, c’est comme ça que je me sens bien », affirme Dina, 24 ans, jeune employée de banque.
Au-delà d’un simple effet de mode, le oversize révèle une jeunesse en quête de sécurité et d’expression. Il traduit un besoin de se protéger des regards tout en revendiquant une certaine liberté. Dans une société où la pression esthétique reste forte, ces vêtements trop grands deviennent une forme de résistance douce, un langage silencieux par lequel les jeunes affirment : « Je choisis qui je suis, et personne d’autre. »
