Sous les voûtes solennelles du Palais des Arts, au cœur de l’Opéra du Caire, un souffle ancien et pourtant résolument moderne s’est levé. Le ministre de la Culture, Dr Ahmed Fouad Hano, a inauguré la 61ᵉ édition du « Salon du Caire », placé cette année sous le signe des « Aventuriers de l’art plastique ». Une thématique qui sonne comme une invitation à franchir les frontières du connu pour explorer des territoires esthétiques nouveaux, nourrissant ainsi l’imaginaire collectif.« L’intérêt porté aux arts reflète le degré de civilisation des sociétés et protège leur identité culturelle », a déclaré le ministre dans un discours empreint d’émotion, rappelant que le Salon du Caire n’est pas seulement une exposition, mais une mémoire vivante de la scène artistique égyptienne et arabe. Depuis plus d’un siècle, il accompagne les métamorphoses de l’art plastique, en témoignant des audaces, des ruptures et des continuités qui ont façonné la modernité artistique en Égypte.Organisé par la vénérable Association des Amis des Beaux-Arts, présidée par le Dr Ahmed Nawar, avec la complicité du commissaire Dr Mahmoud Hamed et en partenariat avec le Secteur des arts plastiques dirigé par le Dr Walid Qanoush, l’événement réunit des créateurs confirmés et de jeunes talents. Tous viennent ici déposer une parcelle de leur univers, contribuant à ce vaste dialogue visuel qui nourrit et enrichit la culture contemporaine.« Nous ne ménageons aucun effort pour soutenir cette manifestation, la plus ancienne de la scène plastique égyptienne », souligne le Dr Walid Qanoush, rappelant que le Salon du Caire a accueilli dès ses premières heures les pionniers – de Mahmoud Mokhtar à Mahmoud Saïd, de Mohamed Nagy à Ragheb Ayad – qui ont donné à l’art égyptien sa voix singulière et son éclat universel.L’histoire du Salon se confond en effet avec celle de l’art moderne en Égypte. Né en 1921 dans les salles de la Maison des Arts et Métiers du Caire, sous le parrainage du prince visionnaire Youssef Kamal et inauguré par le leader nationaliste Saad Zaghloul, il fut très vite reconnu comme un carrefour d’avant-gardes et un témoin de l’éveil artistique postrévolutionnaire. Depuis lors, et malgré les bouleversements du temps, l’Association des Amis des Beaux-Arts a veillé, génération après génération, à maintenir vivant ce rituel où l’Égypte célèbre son art comme elle célèbre sa mémoire.Aujourd’hui, à l’heure où le monde semble parfois vaciller entre le bruit du quotidien et l’éphémère des images numériques, le « Salon du Caire » s’impose comme une respiration, un rappel vibrant que la peinture, la sculpture et les arts visuels restent des instruments de conscience et de beauté. Les « aventuriers » de cette 61ᵉ édition poursuivent l’exploration commencée il y a plus d’un siècle : celle d’un art qui n’imite pas, mais invente, qui ne répète pas, mais interroge.Le Salon du Caire se tiendra jusqu’au 15 octobre 2025.Grain de beauté Quand l’art prend la route : La 2ᵉ étape du projet « Al-Muwajaha wal-Tajawol » illumine AssioutAssiout s’est éveillée hier sous le signe du théâtre et de la création. Dimanche 21 septembre, la ville a accueilli la deuxième étape du projet « Al-Muwajaha wal-Tajawol » (Confrontation et Itinérance) dans sa sixième saison (septembre 2025 – juin 2026), initiative portée par le ministère de la Culture sous l’égide du Dr Ahmed Fouad Hano. Ce programme audacieux vise à faire voyager l’art au-delà des métropoles, jusque dans les villages et les localités reculées, pour que la culture ne soit plus un privilège, mais un droit partagé.Durant six jours, Assiout devient ainsi la scène d’un itinéraire artistique foisonnant : du palais de la Culture d’Assiout à l’Université, en passant par le centre de Beni Mar, le village d’Al-Hawatka à Manfalout, ou encore le centre de jeunes d’Abnoub. Chaque lieu, chaque salle, se transforme en théâtre vivant où les habitants, parfois éloignés de toute offre culturelle, découvrent la magie de la scène et la puissance de l’imaginaire collectif.Assiout n’est pas la première à accueillir cette caravane créative. La première étape avait pris racine à Qena, où le spectacle « Touta Touta » – produit par le Théâtre National – avait rencontré un succès populaire éclatant. Des livres distribués par l’Autorité égyptienne du Livre, des ateliers artistiques, des expositions de peinture et des représentations théâtrales avaient suscité une ferveur inattendue. Des foules entières, dans les maisons de jeunes comme dans les villages, s’étaient pressées pour savourer l’expérience, comme on savoure une fête rare.Né d’une coopération inédite entre le Théâtre National, l’Autorité des palais de la Culture et l’Autorité du Livre, et soutenu par plusieurs ministères – Éducation, Jeunesse, Solidarité sociale, Enseignement supérieur, Affaires religieuses – ainsi que par des acteurs de la société civile (Hayat Karima, Misr El-Kheir, Ana Masry), le projet témoigne d’un élan collectif. Il n’est pas seulement une série de spectacles, mais un acte politique et poétique : réhabiliter la culture comme pilier de l’identité nationale et ferment de cohésion sociale.« Le projet reflète la volonté de l’État de diffuser la culture et les arts dans chaque village, chaque centre, pour consolider les valeurs de l’identité et de l’appartenance », a souligné le ministre de la Culture.Pour Mohamed El-Sharkawy, directeur du programme, cette nouvelle tournée est plus qu’un prolongement : c’est une confirmation. « L’enthousiasme du public prouve que l’art peut réellement ouvrir des fenêtres d’espérance et d’imagination. Al-Muwajaha wal-Tajawol s’impose désormais comme l’une des armes les plus douces et les plus puissantes de l’Égypte : sa force culturelle. »Ainsi, à Assiout comme à Qena, le théâtre ne se joue plus seulement sur scène : il se joue dans les regards, les émotions, et dans cette conviction que la beauté, lorsqu’elle voyage, change durablement le visage d’une nation.