A l’heure où les technologies de l’intelligence artificielle se développent à grande vitesse et où les images générées par logiciels envahissent les réseaux sociaux, le photographe professionnel conserve toute sa place. A travers leur objectif, ces artistes démontrent que la caméra est capable de saisir ce que l’IA ne peut reproduire : l’âme du moment et la sincérité de l’expérience vécue. Cette vérité s’est illustrée avec éclat lors des prix Siena et Audubon 2025 de la photographie, où les dimensions humaines, naturelles et artistiques se sont harmonieusement mêlées pour offrir des clichés tout simplement époustouflants.
Par Névine Ahmed







De Deir al-Balah à Jalalabad… images poignantes d’espoir et de douleur
Dans sa photographie intitulée “Quitter la maison”, le photographe palestinien Ali Gadallah a remporté le Grand Prix des Siena International Awards 2025. Il y immortalise une scène bouleversante à Gaza : trois personnes sortent des décombres d’une maison détruite par un raid israélien à Deir al-Balah. Ce cliché condense à lui seul la tragédie palestinienne, incarnant à la fois la douleur et la résilience.
En Afghanistan, l’image “Terre sans femme” de la photographe canadienne d’origine iranienne Kiana Hayeri raconte l’histoire de Mouska, une jeune fille de 14 ans de retour du Pakistan pour affronter les restrictions imposées par les talibans, avec le rêve de poursuivre ses études. Elle est devenue un symbole vibrant de la voix des femmes afghanes.
Par ailleurs, le photographe jordanien Mohammad Mohsen, lauréat du prix Pulitzer, a présenté dans son exposition “La vie au cœur de la guerre” des clichés d’enfants du camp de réfugiés d’Al-Amari jouant avec des armes en plastique au milieu d’un environnement oppressant, où le rire se mêle à la douleur.
Quand la rue devient récit
Parmi les clichés primés, la photographie “Surcharge de l’avion” du photographe Levi Goldbaum se distingue par sa symbolique : une scène de rue qui mêle l’ordinaire au rêve, capturant l’interaction poétique entre la réalité quotidienne et l’aspiration à l’évasion.
De son côté, le photographe Idris Latif a saisi un instant d’une puissance émotionnelle rare : une migrante vénézuélienne serrant sa fille dans les bras, face à un soldat qui lui interdit le passage à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. Ces deux images prouvent que la photographie ne se limite pas à figer un instant. Elle raconte, avec force et subtilité, les tensions entre espoir et désespoir, rêve et réalité.
La nature en majesté
Dans la catégorie Nature, la photographe Margaret Schwartz a remporté le prix de la photo de l’année grâce à une image saisissante de formations rocheuses capturées lors d’une expédition fluviale dans le Grand Canyon. Son cliché met en lumière les sculptures naturelles façonnées par l’érosion du temps, où la pierre et l’eau dialoguent dans un spectacle grandiose.
De son côté, la photographe chilienne Caro Aravena Costa a conquis le jury avec une photographie poétique de pélicans chiliens, immortalisés dans un jeu de reflets sur l’eau. Une scène délicate et lumineuse, qui nous rappelle que la nature demeure le plus beau théâtre de la vie.
Oiseaux sans frontières
A travers leurs clichés, les photographes professionnels redonnent souffle et poésie à la vie sauvage. Jacopo Giraldo a immortalisé un moment saisissant de tendresse animale : des mouettes royales planant à la recherche de nourriture pour leurs petits, une scène puissante qui célèbre l’instinct maternel dans le règne aviaire.
Jane Hull, quant à elle, a capté une chouette chevêche en pleine nature, une image forte devenue symbole de la préservation de l’environnement. Barbara Swanson, de son côté, a émerveillé avec une photographie minutieuse d’un oiseau transportant des algues marines dans son bec, incarnant l’harmonie entre vie et habitat.
Aux Audubon Photography Awards, d’autres œuvres se sont distinguées : la photo de Brahim Pourahmad mettant en scène une chouette à longues oreilles et celle de Luis Alberto Peña capturant un faucon des savanes en plein vol. Deux images où puissance et grâce se rejoignent dans un équilibre d’une rare intensité.
Prix de la photographie minimaliste : La simplicité révèle l’essentiel
Dans la catégorie de la photographie minimaliste, la simplicité devient un langage puissant. Alexandros Othonos a remporté le Grand Prix avec son projet “Fils de mémoire”, où il réinterprète d’anciennes photos de famille en les reliant par des fils symboliques entre passé et présent. Un travail à l’apparence épurée, mais chargé d’une profondeur visuelle et émotionnelle saisissante.
D’autres œuvres marquantes ont émergé dans cette même catégorie : “C’est compliqué” de Laura Lewis, “Terre de rêves” de Robert Bolton- couronné dans la catégorie des beaux-arts- “Fenêtre dans le ciel” de William Chum, lauréat en photographie nocturne, et “Le passé et le présent” de Giuseppe Gradella, primé dans la catégorie portrait. Chacune de ces images démontre que la force d’un regard, d’une ligne ou d’un vide bien placé peut dire bien plus que la complexité visuelle. En photographie, parfois, moins, c’est vraiment plus.