Avec les douces brises d’automne, quand la campagne égyptienne se pare de lumière et de douceur, un rituel ancestral renaît : la récolte des dattes.
Au mois d’octobre, commence l’un des plus beaux récits de la campagne égyptienne. Les palmiers se parent alors de leurs grappes dorées, et l’arôme des dattes mûres emplit les villages.
Dans les villages riverains du Nil, les palmiers s’embrasent d’or et de pourpre, leurs grappes mûres suspendues se balancent langoureusement au gré du vent. C’est le temps du partage, de la gratitude et des rires d’enfants.
Par : Walaa El-Assrah

Les enfants du palmier, tels des oiseaux chanteurs, grimpent avec agilité le long de leurs troncs majestueux, leurs regards impatients précédant leurs mains vers les grappes du balah el-kheir ou les dattes du bonheur qui pendent comme des colliers de rubis et de perles.
Les feuilles murmurent au vent léger… En ces jours-là, les champs se transforment en un véritable festival de gaieté : les rires éclatants des enfants résonnent tandis qu’ils se précipitent vers les palmiers, leurs yeux scintillant de bonheur, leurs sourires doux comme les dattes sucrées.
Les petits cueillent les fruits de leurs mains menues mais pleines d’un grand amour pour la terre. Leurs voix se mêlent aux chants des paysans, qui murmurent des prières de gratitude pour cette récolte abondante.
Chaque fruit qui tombe dans leurs mains est un trésor ajouté au panier de la famille — un trésor de douceur et de bénédiction. Dans ce décor vibrant, la terre semble offrir bien plus que sa richesse : elle transmet une leçon de vie.
Car ici, entre la paume d’un enfant et la sève d’un palmier, se dessine le sens profond du don — celui d’une nature généreuse et d’un peuple qui, depuis toujours, sait transformer le travail en fête.
C’est une récolte de souvenirs, un hymne à la simplicité où le bonheur se cache parfois dans une datte rouge et dans le rire pur d’un enfant.
En cette période de l’année, l’Égypte s’impose sur la scène mondiale comme l’un des plus grands producteurs de dattes. Les dernières statistiques de la FAO révèlent que notre pays assure à lui seul 19,33 % de la production mondiale, soit près la production d’un cinquième des dattes consommées sur la planète. L’Égypte occupe ainsi la première place mondiale, devant l’Arabie saoudite et l’Algérie.
Cette réussite économique s’enracine dans une histoire d’amour très ancienne : depuis des millénaires, la datte est le fruit du Nil, citée dans tous les livres sacrés, symbole de fertilité, de bonté et de prospérité.
Du Zaghloul au Samani, du Hayani au Siwi, de l’Amri au Bartamoda, les variétés égyptiennes se déclinent à l’infini. Et chaque année, de nouvelles venues rejoignent cette mosaïque, telles que les prestigieuses Barhi et Medjool.
La datte demeure une bénédiction à portée de tous — un fruit du peuple, nutritif, sucré, généreux. Et tandis que la récolte bat son plein, l’Égypte se prépare déjà pour le mois sacré de Ramadan, période où la datte devient symbole de partage et de piété.
Les exportations, elles aussi, s’étendent vers le monde entier, faisant de la datte un ambassadeur éclatant de notre pays, un fruit qui porte en lui le goût de notre soleil, de notre terre et du labeur de nos cultivateurs.
Le palmier, pilier de vie et de mémoire
Au-delà des chiffres, la relation entre les Égyptiens et la datte est avant tout une histoire d’âme et de culture. Depuis les fresques pharaoniques où les palmiers ornaient les temples jusqu’aux toiles des artistes modernes, le palmier demeure une image éternelle de la beauté égyptienne.
Même la politique a été touchée par son ombre symbolique : lors de l’occupation britannique, le colonisateur interdit de prononcer le nom du leader nationaliste Saad Zaghloul. Mais le peuple, ingénieux, fit de la datte un cri de résistance.
Ainsi naquit la chanson populaire « Ya Balah Zaghloul », écrite par Badi‘ Khayri, composée par Sayed Darwish et chantée par Naïma El-Masriya. Son succès fut tel qu’il contribua à raviver le mouvement national et à hâter la libération du chef de la nation.
Plus tard, Bairam El-Tounsi écrivit :
« Le soleil couchant dore les palmes du Nil »,
Des mots immortalisés par la voix d’Oum Kalthoum, symbole de l’âme égyptienne.
Ainsi, des chansons, des poèmes, des mawwals ont perpétué cette image : celle du palmier, gardien du temps, témoin de la patience et de la douceur, compagnon de l’homme depuis la première graine.
L’Égypte vit au rythme de ses dattes
Dans chaque datte se trouve un peu de l’âme égyptienne : la chaleur du soleil, la patience du paysan, la mémoire du Nil.
De la main d’un enfant qui cueille un fruit à la voix d’une chanteuse qui célèbre le palmier, l’Égypte continue de vivre au rythme de ses dattes, entre économie et émotion, tradition et modernité.
Et lorsque le vent d’automne traverse les palmeraies, on croit entendre encore ces rires suspendus aux cimes des palmiers — des rires qui racontent l’histoire d’un peuple enraciné dans sa terre, fier de ses fruits et de sa lumière.