Dans notre monde d’aujourd’hui, les images et les écrans ont chamboulé les normes de beauté qui se sont transformées en performance. Le visage, autrefois miroir de l’âme, est devenu une vitrine de filtres, d’injections et de retouches numériques.Chaque angle de caméra est calculé, chaque photo calibrée pour produire l’illusion d’une perfection sans faille…
Par : Hanaa Khachaba
L’engouement effréné pour l’esthétique crée une beauté falsifiée. Cette course incontrôlable vers l’artifice efface l’identité des personnes. Des visages uniformisés, une identité diluée dans le moule de la mode, voilà ce que donnent les chirurgies esthétiques devenues une tendance plus ou moins mortelle.

Derrière le sourire des selfies et la lumière des stories, une vérité se cache : nous vivons à l’ère de la falsification du soi. La beauté n’est plus un don à préserver, mais une matière à remodeler.
Jamais les cliniques esthétiques n’ont été aussi fréquentées. Les injections de botox et de filler, le microblading, le contouring et le skin booster font désormais partie du quotidien d’une génération.Mais cette quête de perfection a un prix : celui de la défiguration du naturel. Le visage qui se tend aujourd’hui se relâchera demain. Les lèvres gonflées d’hier deviennent figées, les pommettes perdent leur douceur, la peau s’épuise à force d’être retouchée.
La beauté artificielle a, comme tout produit chimique, une date d’expiration. Et lorsque le corps dit stop, c’est l’âme qui en paie le prix. Les filtres, le maquillage, les angles, les lumières… tout participe à une mise en scène.
Ce n’est plus une routine beauté : c’est une chorégraphie. Contour pour redessiner, highlighterpour briller, foundation pour effacer, lashes et extensions pour inventer un regard. Même les sourcils deviennent le terrain d’une lutte esthétique permanente : microblading, ombre brows, lamination…
Puis vient le corps, modifié, filtré, comprimé dans des corsets virtuels. Taille amincie, peau lissée, jambes allongées. Et sous la photo, la légende qui se veut sincère :« J’aime mon corps tel qu’il est. »Mais lequel ? Celui de l’écran ou celui du miroir ?
Cette nouvelle folie devient le miroir d’une soif d’approbation et d’un vide intérieur. Ce besoin d’artifice traduit moins un désir de beauté qu’une profonde fragilité. On ne cherche plus à se plaire : on veut être validée. Chaque like devient une dose d’endorphine, chaque commentaire, un anesthésiant contre le doute.
Derrière la perfection numérique, il y a la peur du réel : la peur d’être ordinaire, la peur du rejet, la peur d’être simplement soi. Et plus on s’éloigne du vrai, plus on devient dépendante du faux. La beauté, alors, n’est plus un plaisir — elle devient une addiction.

Les textes religieux, souvent perçus comme austères, rappellent pourtant un équilibre oublié. « Dieu maudit celle qui épile et celle qui se fait épiler », rapporte un hadith authentique. Ce rappel ne vise pas la coquetterie, mais l’excès. Il rappelle que chaque visage est une empreinte unique, une œuvre qu’on ne devrait pas retoucher au gré des modes. L’altérer, c’est altérer sa gratitude. Car la beauté véritable ne réside ni dans le filtre, ni dans le fard, mais dans la lumière intérieure — celle que le temps ne peut effacer.
Quand le temps reprend ses droits
Les filtres se dissipent. Les produits se résorbent.Les visages retombent dans la gravité naturelle. Et, un jour, le miroir renvoie le vrai reflet — celui qu’on avait fui. Mais il revient tard, souvent accompagné d’un sentiment amer : celui d’avoir trahi son image, et perdu bien plus qu’un éclat. On découvre alors que ce n’est pas le visage qu’on a perdu… mais la paix d’exister sans artifice.
La chirurgie esthétique en chiffres
➢ +40 % d’augmentation du recours aux injections esthétiques en Égypte entre 2018 et 2024, selon les estimations du Syndicat des médecins.
➢ Les procédures les plus demandées : filler des lèvres, botox du front, lifting léger et microblading des sourcils.
➢ Une Egyptienne sur trois âgée de 18 à 35 ans déclare avoir déjà utilisé un filtre modifiant son visage de manière significative, d’après une étude du Centre arabe de recherche sociale (2023).
➢ Les psychologues alertent sur le « syndrome du miroir virtuel », un trouble de l’image de soi amplifié par les réseaux sociaux : plus on se retouche, moins on s’aime.
➢ Le marché mondial de la beauté injectée dépasse désormais 70 milliards de dollars, porté par les influenceurs et la culture du « paraître ».