Elle est la seule artiste égyptienne à avoir été invitée à dialoguer avec des créateurs de renommée mondiale lors de la cinquième édition de Forever Is Now, démontrant ainsi que les femmes possèdent un immense potentiel et sont pleinement capables de représenter leur pays avec éclat. C’est Salha El Masry qui dévoile une œuvre monumentale qui puise dans la profondeur morale et spirituelle de l’Égypte ancienne pour interroger, aujourd’hui, le sens de la justice, du pouvoir et du bien commun.

Avec Maât, Salha El Masry réactive l’un des symboles les plus puissants de l’Égypte ancienne : la déesse de la vérité, de la justice, de l’ordre cosmique et de l’intégrité. Dans son œuvre, Maât n’est plus un simple concept mythologique ; elle devient un prisme par lequel l’artiste questionne l’équilibre entre autorité et responsabilité, entre héritage pharaonique et conscience sociale.
La plasticienne Salha El Masry a commenté sa présence dans cet événement artistique en déclarant :
« Dans mon travail, je cherche à transformer un bijou royal d’un symbole de pouvoir individuel en un espace partagé qui invite à repenser la notion de justice et de droit. Le sceau se métamorphose alors d’un outil autrefois utilisé pour imposer des ordres en une fenêtre ouverte sur un horizon plus vaste. J’y fais renaître des principes souvent négligés, symboles de l’équilibre entre le chaos et l’ordre, entre le passé et le présent, et qui révèlent la force du roi lorsqu’elle engendre l’essence même de l’humanité. » s’est déclaré au « Le Progrès Egyptien »

L’artiste revisite un anneau-sceau attribué à un roi de l’Égypte ancienne — un objet intime servant autrefois à sceller documents et décrets — pour en faire une installation publique monumentale. Ce passage du privé au collectif, de l’emblème d’autorité à la fenêtre ouverte sur un horizon plus vaste, constitue le cœur de son intention.
L’anneau, agrandi à l’échelle architecturale, encadre parfaitement la pointe de la pyramide lorsqu’on se place à un point de vue précis : une mise en scène subtile où le présent donne à voir le passé, et où le temps devient un matériau à part entière.
Ces phrases disent notamment :
« Je ne dépouillerai pas le pauvre de ses biens. »« Tu ne seras pas pauvre, tu ne seras pas misérable. »
« J’accorde mes bienfaits au nécessiteux. », « Ne fais pas de différence entre le fils d’un riche et l’homme du peuple. »
« Il n’y aura pas d’affamé en mon temps. », « J’ai donné du pain à celui qui avait faim. »
Ainsi, l’anneau cesse d’être un sceau qui ordonne ou impose : il devient un pacte moral, un rappel gravé de ce que devrait être la justice, hier comme aujourd’hui. La forme circulaire agit comme un équilibre visuel, un contrepoids entre la masse minérale et le vide, entre le pouvoir d’un roi et les droits du peuple.
En évoquant les défis artistiques, notre plasticienne a expliqué que la nature fragile de la céramique l’avait poussée à développer ses outils, déclarant :
« La poterie est un matériau délicat malgré sa beauté. J’ai donc décidé de me tourner vers des matériaux comme le fer et la tôle, tout en conservant ma même approche artistique fondée sur le relief, avec l’intégration de phrases inspirées du Livre des Morts, portant sur les notions de vérité, de justice et de balance. »


Sur la surface de l’anneau, Salha El Masry fait graver des extraits du Livre des Morts — La Sortie au Jour — des textes centrés sur la dignité humaine, le pain, l’équité, la balance et la justice. Autant de valeurs qui façonnaient la société pharaonique et dont l’artiste montre la résonance contemporaine.
« Mon expérience dans le domaine de la céramique repose sur une mise en dialogue avec l’histoire de la civilisation égyptienne antique à travers plusieurs axes fondamentaux. Le premier consiste à concevoir la pièce céramique en s’inspirant des arts de l’Égypte ancienne. Le second réside dans son ornementation, à travers des dessins et inscriptions primitives issues notamment de l’égyptien ancien, du sassanide, de l’araméen, de l’akkadien et d’autres écritures anciennes. Quant au troisième axe, il s’agit de la technique du pit firing, que j’utilise pour simuler les effets du temps et révéler la trace de la fumée sur une pièce pourtant contemporaine. »
Fierté de participer et de représenter l’Égypte à l’international
À propos de son sentiment en rejoignant l’exposition, Salha El Masry a exprimé sa joie :
« C’est vraiment indescriptible. Je suis très fière de participer en tant qu’artiste égyptienne parmi un grand nombre de figures majeures de l’art mondial. C’est une expérience riche et un immense honneur pour moi. »
Elle a conclu en affirmant que sa participation à l’exposition « Forever Is Now « constitue une étape essentielle de son parcours artistique, incarnant la rencontre entre un passé millénaire et un présent contemporain dans une scène plastique de dimension internationale.
Un dialogue avec la lumière et le paysage
Concernant le dispositif de présentation de l’œuvre, elle a indiqué qu’elle avait placé la pièce sur un axe visuel permettant au cercle du sceau d’englober la pointe de la pyramide en arrière-plan, lorsque le visiteur se tient à un point de vue précis devant l’installation. Ainsi, le sceau devient une lentille qui saisit le sommet de la pyramide comme s’il s’agissait d’une pierre précieuse.
La paroi intérieure du sceau est conçue avec une épaisseur suffisante pour générer une ombre circulaire qui se transforme au fil des heures de la journée, révélant le mouvement du soleil comme un rappel du cycle du temps et de la continuité de la civilisation.
Avec Maât, Salha El Masry propose une œuvre à la fois poétique et politique, réaffirmant la force universelle de la justice et la responsabilité collective inscrite dans l’héritage égyptien.
Il est à noter que Salha El Masry est une artiste, critique d’art et directrice de la salle Bab Selim du Musée d’Art Moderne à l’Opéra du Caire. Son parcours englobe également l’écriture critique sur les arts plastiques, à travers son suivi attentif du mouvement de l’art contemporain égyptien.





