Sous la surface limpide de la mer Rouge, un monde fascinant et méconnu s’étend entre récifs coralliens multimillionnaires et nuances bleutées infinies. Là, au cœur de cet écosystème parmi les plus riches de la planète, vit l’une des créatures marines les plus singulières et les plus rares : le concombre de mer. Discret, gélatineux et d’un calme étonnant, ce petit invertébré joue pourtant un rôle écologique déterminant, au point d’être considéré comme l’un des joyaux naturels.
Par : Walaa El Assrah



Les concombres de mer peuvent ressembler au légume cylindrique, mais ces animaux bizarres sont des échinodermes, un invertébré comme les étoiles de mer, les oursins et les crinoïdes.
Ils ont des bosses sur le corps mais, contrairement aux concombres, ils sont de toutes les couleurs : brun, rouge, orange, jaune, blanc, bleu ou même à motifs.
Il existe environ 1 200 espèces connues de concombres de mer. Ils vivent dans l’eau salée, sur le fond marin ou à proximité, parfois partiellement enfouis sous celui-ci. Ils peuvent être trouvés dans n’importe quel océan dans le monde, généralement dans les eaux peu profondes, bien qu’il existe des espèces dans les eaux profondes. Pour un animal dépourvu de cerveau, ils ont développé des moyens très intelligents pour se déplacer dans les courants marins, se défendre contre leurs ennemis, trouver de la nourriture.
Sa valeur ne s’arrête pas là. L’espèce revêt également une importance économique majeure, renforçant la pression qui pèse sur sa survie.
Ces étranges animaux, qui n’ont ni yeux ni cerveaux, sont de diverses tailles, allant généralement de deux centimètres à deux mètres de long. Cependant, certaines espèces, comme Synapta maculata, ou holothurie-serpent, peuvent atteindre jusqu’à trois mètres de long.
Un organisme parmi les plus précieux au monde
Pour Dr Ahmed Ghallab, directeur général des réserves naturelles de la mer Rouge et expert en sciences marines, le constat est clair :
« Le concombre de mer est l’un des organismes marins les plus chers au monde. »
Il contient en effet des composés utilisés dans l’industrie pharmaceutique, notamment pour la fabrication de traitements contre certains cancers et maladies chroniques. Il entre aussi dans la composition de stimulants sexuels, ce qui a accru sa valeur commerciale.
Cette demande croissante, particulièrement forte en Asie de l’Est où des marchés spécialisés lui sont consacrés, fait grimper les prix à des niveaux impressionnants : le kilo peut atteindre plusieurs centaines de dollars, une somme qui attise bien des convoitises.
Une pression illégale alimentée par le marché mondial
La montée des prix a encouragé, dans plusieurs pays, l’apparition de réseaux de pêche et de trafic illégaux. Face à ce phénomène, les organismes internationaux ont inscrit l’espèce sur la liste des organismes menacés d’extinction et interdit sa capture dans le cadre des conventions de protection du milieu marin.
L’Égypte, de son côté, a renforcé ses lois et ses contrôles.
Dr Ghallab rappelle que la mer Rouge abrite près de 80 espèces de concombres de mer — un patrimoine unique à l’échelle régionale. La plupart de ces espèces vivent dans les profondeurs obscures, enfouies dans le sable ou dissimulées entre les algues, et n’émergent qu’à la faveur de la nuit.
Les autorités environnementales et sécuritaires ont ainsi réussi, ces dernières années, à déjouer de nombreuses tentatives de pêche ou de contrebande de concombres de mer et de coquillages rares. Des procès-verbaux ont été dressés, et les contrevenants déférés à la justice. Les sanctions sont lourdes : peines de prison et amendes pouvant atteindre plusieurs millions de livres égyptiennes.
Un maillon indispensable de l’écosystème marin
La disparition du concombre de mer aurait des répercussions directes sur la santé de l’écosystème marin.
Le spécialiste insiste :
« Sa capture affecte immédiatement les récifs coralliens et les petits poissons. Protéger ce spécimen est une responsabilité environnementale et nationale. »
Pour cette raison, des campagnes de sensibilisation sont régulièrement menées auprès des pêcheurs et des communautés côtières afin de promouvoir une prise de conscience collective autour de la préservation de cette espèce, perçue non seulement comme une ressource, mais aussi comme un héritage naturel à transmettre.
Bien que les concombres de mer ne puissent pas fuir les prédateurs ou les attaquer, ils ne sont pas totalement sans défense. Lorsqu’elles sont menacées, certaines espèces rejettent des fils blancs collants, appelés tubules de Cuvier, qui agissent comme de la colle et empêchent leurs ennemis de se déplacer.
Un symbole du patrimoine marin du mer Rouge
Au-delà de son rôle écologique, le concombre de mer est devenu le symbole d’un équilibre fragile entre exploitation et préservation. Il témoigne de la biodiversité exceptionnelle du mer Rouge, de la beauté et de la richesse de ses fonds marins.
Sa survie rappelle l’urgence de concilier utilisation durable des ressources naturelles et protection contre les excès d’une exploitation guidée par le profit.
Un enjeu essentiel pour préserver l’une des plus belles et plus sensibles merveilles marines au monde.





