Par : Walaa El-Assrah
La Galerie Dai accueille simultanément trois expositions d’art plastique qui offrent un panorama riche et diversifié de la création contemporaine en Égypte. Ces expositions, ouvertes jusqu’à jeudi, rassemblent des artistes dont les œuvres explorent la relation entre l’homme, le souvenir et les formes de représentation. Elles proposent des approches plastiques complémentaires qui ouvrent des fenêtres nouvelles sur l’expérience humaine et l’imaginaire collectif.
Ahmed El-Ganaïny et la célébration du souvenir
Dans «La folie de la mémoire», Ahmed El-Ganaïny se penche sur un territoire qu’il connaît intimement : celui du temps. L’artiste décrit son exposition comme une tentative de dépasser «l’autorité des aiguilles de l’horloge» sur la mémoire. Chaque toile devient, selon lui, une capsule destinée à conserver un moment vécu, à immortaliser le dialogue entre le pinceau et l’événement, mais aussi à libérer des inspirations longtemps retenues.

L’ouverture de l’exposition coïncide avec la parution de son nouveau roman Le Royaume de Salomon, deuxième volet de Quand les modèles nues de Modigliani s’enfuirent, renforçant ainsi la dimension narrative de son projet artistique.
L’exposition se lit comme une vaste fresque retraçant cinq décennies de création. El-Ganaïny y revisite la mémoire personnelle et collective, transformant leur charge émotionnelle en signes visuels denses et polysémiques. Ses œuvres, marquées par une combinaison singulière de symbolisme et d’expressionnisme, témoignent de sa conviction profonde : l’art est un espace de liberté, de réflexion et d’interrogation sociale. Artiste engagé, il a consacré une part importante de son parcours à soutenir les jeunes créateurs.
Né en 1954, El-Ganaïny a étudié aux Beaux-Arts d’Alexandrie sous la direction du peintre Mohamed Hamed Oweis.
«Dissolution du lien» : Un hommage aux trois Hassan Mohamed Hassan
Le nom Hassan Mohamed Hassan occupe une place complexe dans l’histoire de l’art égyptien. Trois artistes portent ce même nom, source d’une confusion persistante parmi les jeunes générations :
- Hassan Mohamed Hassan (1906–1990)
- Mohamed Bek Hassan (1892–1961), l’un des pionniers de l’École des Beaux-Arts
- Hassan Mohamed Hassan (1926–2009), artiste engagé des années 1960 et 1970, aujourd’hui largement oublié
L’exposition «Dissolution du lien», conçue par Hicham Kandil, entreprend avec rigueur de clarifier cette équivoque et de restituer à chacun de ces artistes sa juste place. Elle met en lumière leurs contributions individuelles à la formation de l’école picturale moderne en Égypte et révèle la singularité de leurs démarches esthétiques.
Le critique Magdi Osman raconte que cette idée lui est venue avec son ami défunt Ezzedine Naguib, souhaitant traduire visuellement les enjeux de son ouvrage Entre l’artiste et la société et le rôle de l’art. Il explique que l’ignorance généralisée autour de ces artistes compliquait le projet jusqu’à sa rencontre avec Kandil, qui a permis de donner forme à cette exposition d’importance historique.
Chaimaa Mahmoud et sa galerie de «Visages familiers»

Avec «Visages familiers», Chaimaa Mahmoud propose un travail qui croise sensibilité picturale et réflexion critique. Son expérience en critique d’art se reflète dans son approche méthodique : elle revisite des images gravées dans sa mémoire, les déconstruit puis les reconstruit pour en faire des compositions nouvelles, à mi-chemin entre observation intime et analyse plastique.
L’exposition est dominée par la présence du corps féminin, que l’artiste place au cœur de son univers expressif. Les figures évoquent les silhouettes épurées et vibrantes de Matisse, tandis que certains motifs rappellent les compositions décoratives de Klimt. L’usage de la technique de l’impression apporte une profondeur supplémentaire, offrant un double regard sur l’image : celui du trait et celui de la texture.
Par cette esthétique, Chaimaa Mahmoud semble vouloir redonner à la femme son espace symbolique, tout en inscrivant son travail dans une tradition moderniste revisitée.





