A chaque saison hivernale, lorsque les villes s’illuminent et que les arbres se parent de guirlandes, renaît une question ancienne, tissée de fascination et de confusion : d’où vient réellement l’arbre de Noël ?
Entre héritage spirituel et ré-interprétations modernes, les symboles traversent le temps, se déplacent d’une civilisation à l’autre, parfois au prix de leur vérité. L’arbre, silencieux témoin des croyances humaines, a toujours porté plus qu’un feuillage… il incarne la vie, la permanence, l’espérance face à l’obscurité.
Ce texte invite à un voyage érudit et sensible, là où l’Histoire dialogue avec le mythe, et où la rigueur scientifique dissipe les illusions séduisantes.
Il explore les racines botaniques, religieuses et culturelles de deux arbres souvent confondus : le sapin européen des solstices hivernaux et le sycomore sacré de l’Egypte ancienne.
A travers temples, tombes et traditions, se dessine une distinction essentielle entre ressemblance symbolique et filiation historique. Ici, l’Egypte ne revendique pas l’arbre de Noël, mais révèle la profondeur de son propre imaginaire sacré, où le végétal devient langage divin, support de la création et de la lumière.
Ce récit ne cherche ni à désenchanter ni à ré-enchanter, mais à rétablir l’équilibre entre mémoire et transmission, car comprendre l’origine des symboles, c’est leur rendre leur juste place, et permettre à chaque culture de briller dans sa vérité.
Présenté par Névine Ahmed
Du sycomore égyptien au sapin scandinave… une histoire démystifiée !
(D’après les recherches de l’historien et conférencier international honoré par l’ONU, Dr Bassam Al-Chammaa)

L’arbre de Noël appartient au règne végétal avec une identité précise : un nom scientifique, une origine géographique clairement établie.
Il s’agit d’un arbre scandinave, connu sous le nom scientifique “Araucaria heterophylla”, l’araucaria à feuilles hétérogènes, universellement associé aux célébrations de Noël. L’araucaria est un arbre sempervirent, à croissance lente, de forme conique, au port élégant et au prix élevé. Ses feuilles fines et torsadées s’ordonnent en branches horizontales disposées en étages réguliers. Cultivé seul dans les jardins pour sa beauté, il est également utilisé comme plante ornementale. Il supporte l’ombre, mais craint le gel, les vents violents et la sécheresse.

Contrairement à certaines affirmations répandues, l’arbre de Noël n’a aucune origine égyptienne ancienne : il est fondamentalement européen. L’arbre égyptien antique, quant à lui, abondamment sculpté et peint sur les murs des temples et sur de nombreux monuments à travers les époques, est le sycomore (barsaa). On peut encore observer de véritables spécimens de cet arbre dans le jardin du Musée Egyptien du Caire (Place Tahrir). Son nom scientifique est “Mimusops schimperi”.
Les couronnes funéraires, utilisées en Egypte dès le Nouvel Empire, étaient confectionnées à partir de cet arbre sacré. Le célèbre bouquet floral découvert dans la tombe de Toutânkhamon, tout comme les guirlandes de la tombe de Ramsès II, étaient faits exclusivement du sycomore, arbre égyptien authentique. Les fruits de cet arbre sont aujourd’hui conservés au Musée agricole dans le quartier de Dokki, au Caire. Dans l’Antiquité, ils étaient offerts aux divinités sur les tables d’offrandes. Ces rituels sont attestés dans les tombes de Menna, Nakht et Sennefer à Louxor.

Dans la religion égyptienne ancienne, le sycomore était sacré en raison de son lien avec la déesse mythique Bastet, la déesse-chat associée à la joie sensorielle, qui résidait symboliquement dans cet arbre. De nombreuses scènes montrent Baste- la chatte d’Héliopolis- terrassant le serpent Apophis, incarnation du chaos et du mal, toujours à proximité du sycomore. Apophis, ennemi éternel du dieu solaire Rê, devait être vaincu auprès de cet arbre aux feuilles vertes, car dans le mythe, le serpent tentait d’entraver la course du soleil.
Un sycomore (barsaa) est aujourd’hui encore visible au Musée Egyptien de Tahrir
Le sycomore était également consacré à la déesse Isis. Son fruit, par sa forme, évoque le cœur (ib), tandis que sa feuille verte rappelle la langue. Sa couleur, mêlant le jaune et le vert, et sa saveur légèrement sucrée renvoient symboliquement au mythe de la création : la création naît de la volonté- incarnée par le cœur- et se manifeste par la parole prononcée- portée par la langue. Ainsi, la mythologie prenait forme dans ces représentations végétales. Dans les textes rituels de l’Egypte ancienne, le dieu Thot apparaît sous la forme d’un homme à tête d’ibis, inscrivant le nom du roi sur les feuilles du sycomore.

L’affirmation selon laquelle l’arbre d’Osiris serait l’origine de l’arbre de Noël relève donc du domaine des mythes modernes, forgés par certains excès d’interprétation. Aucune preuve matérielle ni aucun texte ancien ne viennent étayer un tel lien. Il n’existait aucun rituel nommé “Noël” au sein des 31 dynasties de l’Egypte antique, ni aucune célébration équivalente. Le lien entre Noël et l’arbre toujours vert s’explique plutôt par une tradition universelle où les sociétés agricoles, qu’elles soient scandinaves, aztèques ou grecques, vénéraient le soleil.
Le solstice d’hiver était célébré avec ferveur, et les plantes persistantes incarnaient l’endurance face à la rigueur hivernale et l’espoir du retour de la lumière. Ainsi, les anciens Egyptiens rassemblaient-ils des branches de palmier pour honorer Rê, tandis que les Romains tressaient des couronnes florales lors des fêtes dédiées au dieu des moissons.

Quant à la ressemblance supposée entre le sycomore égyptien et l’arbre de Noël, elle ne résiste pas à l’observation : le premier présente un tronc élancé et un port torsadé, typique des arbres égyptiens à long fût, tandis que le second est strictement conique. La célébration de Noël, telle que nous la connaissons, est apparue bien après la naissance de Jésus. Le terme Christmas, contraction de Christ’s Mass (la messe du Christ), ne s’est répandu qu’un millénaire après l’événement fondateur. Lorsque l’Europe fixa la date du 25 décembre pour célébrer la Nativité, elle conserva de nombreuses pratiques héritées des fêtes du solstice d’hiver, notamment l’usage des végétaux persistants, et surtout de l’arbre de Noël- vestige le plus visible des anciennes célébrations solaires pré-chrétiennes.
Enfin, la célèbre chanson du poète et historien allemand Ernst Anschütz, composée en 1824, évoquait à l’origine le sapin (Tannenbaum). Traduit en anglais sous le titre O Christmas Tree (Ô arbre de Noël), le texte original ne mentionne pourtant aucune fête de Noël. Il célèbre la résistance de l’arbre face à l’hiver sombre et glacial. Avec l’émigration allemande vers l’Amérique, la tradition du sapin de Noël s’y est solidement enracinée, jusqu’à devenir universelle.





