Dans un monde saturé de paroles, de sons et d’images, le silence est devenu rare. Il inquiète parfois, dérange souvent. Pourtant, en islam, le silence n’est pas un vide : il peut être une présence. Une présence à Dieu, à soi-même, au sens profond des choses. Lorsqu’il est habité, le silence devient une forme d’adoration.
Le Coran nous invite sans cesse à la réflexion, à l’écoute intérieure, à la retenue. Et cela commence souvent… par le silence.
Le silence qui ouvre à la conscience de Dieu
Dieu interpelle l’être humain non seulement par la parole, mais aussi par l’observation et la contemplation. Le silence est alors le terrain fertile de cette prise de conscience :
« En vérité, dans la création des cieux et de la terre, et dans l’alternance de la nuit et du jour, il y a des signes pour les doués d’intelligence,
ceux qui invoquent Dieu debout, assis ou couchés sur leurs côtés, et qui méditent sur la création des cieux et de la terre »
(Sourate Âl ‘Imrân, 3:190-191)
La méditation évoquée ici suppose un apaisement, une suspension du bruit extérieur et intérieur. Le silence devient alors un espace où l’âme peut enfin entendre ce que le tumulte empêche d’écouter.
Se taire pour préserver son cœur
L’islam valorise une parole juste, mesurée, utile. Mais il valorise tout autant le silence lorsque la parole risque de nuire, d’endurcir le cœur ou de blesser. Se taire, dans ce cas, devient un acte moral et spirituel.
Le Coran décrit les serviteurs du Tout Miséricordieux ainsi :
« Les serviteurs du Tout Miséricordieux sont ceux qui marchent humblement sur terre, et lorsque les ignorants s’adressent à eux, ils disent : “Paix.” »
(Sourate Al-Furqân, 25:63)
Choisir le silence face à la provocation n’est pas faiblesse, mais maîtrise de soi. C’est une adoration discrète, invisible, mais puissante.
Le silence dans l’adoration
La prière elle-même comporte des silences : silences du recueillement, silences de la prosternation, silences du cœur qui se soumet. Ces moments ne sont pas vides ; ils sont chargés de présence divine.
Dieu dit :
« Ont certes réussi les croyants, ceux qui sont humbles dans leur prière »
(Sourate Al-Mu’minûn, 23:1-2)
Cette humilité ne s’exprime pas uniquement par des mots. Elle s’enracine dans une attitude intérieure, souvent silencieuse, où le croyant se tient devant Dieu sans masque, sans agitation.
Le silence comme refuge spirituel
Il arrive que les mots soient insuffisants. Face à l’épreuve, à la fatigue, à la confusion, le silence devient une invocation muette. Le Coran nous rappelle que Dieu connaît ce que les cœurs taisent :
« Dis : Que vous cachiez ce qui est dans vos poitrines ou que vous le divulguiez, Dieu le sait. »
(Sourate Âl ‘Imrân, 3:29)
Ainsi, même sans paroles, le cœur peut être en dialogue avec son Seigneur. Le silence devient alors une confiance totale : Dieu sait, Dieu voit, Dieu comprend.
Redonner au silence sa place
Dans une époque où l’on parle beaucoup mais où l’on écoute peu, réapprendre le silence est une forme de retour à l’essentiel. Se taire pour ne pas blesser. Se taire pour réfléchir. Se taire pour ressentir la présence divine.
Dieu nous y invite subtilement :
« Et rappelle, car le rappel profite aux croyants »
(Sourate Adh-Dhâriyât, 51:55)
Or, le rappel n’est fécond que dans un cœur disponible, et un cœur disponible a besoin de silence.
Le silence, en islam, n’est pas une absence d’adoration, mais parfois son expression la plus pure. Il est cette posture humble où l’âme s’efface pour laisser place à Dieu. Dans le silence habité, le croyant ne fuit pas le monde : il s’y reconnecte avec plus de justesse, de paix et de lucidité.
Quand le silence est offert à Dieu, il devient lumière.




