Jeudi 3 février, la Banque centrale européenne a conservé son cap monétaire accommodant malgré une inflation record en zone euro. Mais pour combien de temps ? André Cartapanis dresse les perspectives d’actions avec des marges de manœuvres très serrées. A première vue, les banques centrales des pays développés ne devraient guère avoir d’hésitations quant à l’orientation des politiques monétaires. On assiste à la combinaison d’une accélération de l’inflation (+ 5,1% en janvier dans la zone euro) et d’un fort rebond de la croissance, après la récession de 2020, accompagné de créations d’emplois et conduisant à un taux de chômage parmi les plus bas depuis longtemps. Il n’y a donc pas de conflit d’objectifs : en menant une politique monétaire moins accommodante, et en relevant les taux d’intérêt directeurs, on peut faire d’une pierre deux coups en s’attaquant à l’inflation sans trop risquer de dégrader l’emploi. Pourquoi, alors, les banquiers centraux sont-ils si hésitants, surtout dans la zone euro, en laissant les taux directeurs inchangés tout en annonçant leur remontée possible fin 2022 ou en 2023 ?
Des préoccupations de plus long terme
Premièrement, les effets des politiques monétaires s’exercent de moins en moins par le canal du crédit et par l’impact mécanique des taux sur le volume du crédit, la demande globale et, in fine, sur l’inflation ou la croissance. Le poids des marchés financiers, des prix d’actifs, des effets richesse, des niveaux d’endettement, pas seulement des Etats mais aussi des ménages et des entreprises, est devenu dominant. D’où, d’ailleurs, les explications de Jerome Powell ou de Christine Lagarde, lors des conférences de presse faisant suite aux réunions des comités de politique monétaire, en direction des « marchés » bien plus que des entreprises, et moins encore des ménages. Or, une hausse des taux conduit inévitablement à une montée des risques, à des tensions sur la soutenabilité de l’endettement public ou privé, à une fragilisation des bilans, à des ajustements brutaux et des réallocations d’actifs sur les marchés d’actions et les marchés obligataires, à une volatilité accrue. Sans parler des effets sur les pays émergents. De quoi hésiter !





