Par Jean-Paul Pollin
La pandémie de Covid-19 et la crise en Ukraine poussent les Etats européens à la dépense et l’endettement. Pour faire face à la situation, faut-il réviser les règles budgétaires en Europe ? Difficile, selon Jean-Paul Pollin, tant est forte l’opposition entre les conceptions de l’Union et les intérêts nationaux.
On se souvient qu’avant même la mise en place de l’euro, la nécessité de règles budgétaires s’appliquant aux pays membres de l’Union monétaire avait été reconnue, discutée, puis actée dans le Traité de Maastricht. Cela se justifiait par l’accroissement de l’interdépendance entre les économies partenaires résultant de la suppression des variations de change et de l’augmentation attendue des échanges commerciaux et des mouvements de capitaux.
Il devait donc s’ensuivre de plus fortes externalités entre les décisions de politiques économiques, notamment budgétaires, c’està-dire que ces décisions devaient avoir une plus forte incidence sur la situation des autres membres de la zone.
Par exemple, une impulsion budgétaire dans un pays était susceptible d’affecter, plus que par le passé, la conjoncture dans le reste de l’Union ; ou encore, une dérive de l’endettement public dans un pays pouvait, en suscitant des doutes sur sa solvabilité, mettre en question la solidité de la monnaie commune, entraîner sa dépréciation, faire monter les taux d’intérêt, etc.
Dans un système où chaque pays gardait la souveraineté de la majeure partie de ses politiques économiques et sociales, et où le budget fédéral était quasiment inexistant, il fallait instituer des règles budgétaires pour limiter la portée des externalités en question. Mais les règles qui ont été retenues (les seuils de 3% du PIB pour les déficits et de 60% pour les taux d’endettement) étaient sans véritables fondements, trop uniformes et trop rigides.
Elles se sont révélées nocives lors des crises successives que la zone a traversées depuis sa naissance et qui ont nécessité une utilisation aussi forte qu’imprévue des politiques budgétaires.
Celles-ci sont même devenues l’outil privilégié de régulation conjoncturelle au fur et à mesure que la faiblesse des taux d’intérêt et d’inflation paralysait l’action de la politique monétaire commune. Dans ces conditions, la montée des déficits et des taux d’endettement, à des niveaux inattendus, ont rendu caduques les règles adoptées.





