La monnaie unique a bien mieux résisté à la pandémie qu’à la crise des subprimes. La BCE s’est lancée dans le chantier de l’euro numérique pour contrer les cryptomonnaies privées, rapporte la MENA. Lundi dernier, les dix-neuf ministres des Finances de la zone euro doivent saluer, au cours de leur dernière réunion de l’année, le tout prochain vingtième anniversaire de l’euro fiduciaire, selon le journal français Les Échos. Sous la direction de l’Irlandais Paschal Donohoe, président de l’Eurogroupe, les grands argentiers poseront pour une photo de famille, alors qu’un jeu de lumières projettera le sigle euro sur la façade du bâtiment Europa du quartier européen. C’est le 1er janvier 2002 que la monnaie unique est arrivée concrètement, sous forme de pièces et de billets, dans les poches des citoyens des douze premiers pays à l’avoir adoptée. L’euro scriptural avait vu le jour trois ans plus tôt .
Dix ans après la profonde crise de la dette qui a failli provoquer l’implosion de la zone euro, dans la foulée de la crise des subprimes, la monnaie unique se porte bien. Bien qu’elle ne bénéficie toujours pas de coordination budgétaire réelle entre ses pays membres, elle a joué un grand rôle protecteur pendant la crise économique du Covid, convainc ses utilisateurs, attire de nouveaux candidats, la Croatie et la Bulgarie , et a entamé une réflexion déjà bien nourrie sur son avenir : l’euro numérique. Quand la pandémie a éclaté, on a eu très peur et on s’est d’abord dit que la zone euro allait connaître les mêmes difficultés qu’en 2012 à la suite de la crise grecque, se rappelle Anne-Laure Delatte, chercheure et économiste au CNRS, spécialiste de l’euro.
En fait, la monnaie unique a fait preuve d’une plus grande résilience. Il y a deux manières de l’expliquer. « D’abord l’Europe a mis en place des politiques ambitieuses, et l’accord autour d’un plan de relance par endettement commun, en 2020, qui met en place de vrais transferts entre membres de la zone euro, nous a rapprochés d’une monnaie plus complète », souligne l’experte. De même que Mario Draghi, à la tête de l’institut francfortois, a sauvé la mise en 2012 en assurant qu’il entreprendrait « whatever it takes » pour assurer la pérennité de l’euro, la détermination de Christine Lagarde et son « programme d’achat urgence pandémique » (PEPP) de mars 2020 ont été essentiels. Sans elle, des pays aussi endettés que l’Italie ou l’Espagne ne pourraient pas se financer aujourd’hui à si bon compte. « Le paradoxe des succès de la BCE, c’est qu’ils retardent la construction du volet budgétaire de la gouvernance de la zone euro », constate Anne-Laure Delatte. La gouvernance intergouvernementale, si elle a progressé depuis 10 ans, reste de fait lacunaire, comme le prouvent les divergences, jusqu’ici encore feutrées, autour de la réforme du Pacte de stabilité, ou les différences de sensibilité à la poussée inflationniste de cet automne. On cherche toujours l’union bancaire et l’union des marchés de capitaux. Les économies des Etats membres restent aussi très disparates, avec des potentiels de croissance éloignés les uns des autres. Plus personne, toutefois, ne remet en cause l’existence de l’euro, même chez les antieuropéens, note de son côté Eric Maurice, de la Fondation Robert-Schuman. Dans la psychologie collective aussi, l’euro s’est ancré, même chez les personnes les plus âgées », note Eric Maurice. Finie, en Allemagne, la nostalgie du deutsche mark. Sur cette assise, la BCE réfléchit désormais à la prochaine étape : l’euro numérique. Une monnaie de banque centrale différente de la monnaie commerciale aujourd’hui déposée sur nos comptes en banque. Elle permettra d’effectuer ses achats, en magasin ou en ligne, de manière totalement sécurisée, immédiate, sans exploitation commerciale des profils de consommation du client. Les Européens auront probablement leur propre compte à la BCE, plafonné de manière qu’il ne serve pas d’instrument d’épargne mais seulement de transaction.