Il fallait toujours un chant et une musique pour mobiliser et rassurer les soldats et les volontaires, sur le front, luttant contre l’occupant britannique ou l’ennemi sioniste. La musique et les chants de « simsimiyya » détaillent à la fois les souffrances de la nation sous l’occupant, mobilisent le courage des combattants aussi bien que du peuple, et rendent à la nation son honneur. Retour sur une musique de guerre qui a servi de moyen pour galvaniser les soldats et volontaires égyptiens.
D’un instrument à une musique à la liberté, pour une nation en danger de colonisation. C’est en 1956 que la musique de « simsimiyya » devint un des traits caractéristiques des habitants des villes du Canal de Suez. Cette musique comporte une sorte d’air énergique et rythmé en puisant dans de nombreux autres airs connus, dans un contexte moral pour mobiliser et encourager les soldats et les volontaires, qui se sont rendus sur les lignes de front pour affronter l’adversaire, soit-il l’occupant britannique ou l’ennemi sioniste. La musique et les chansons de simsimiyya ont été donc jouées – notamment dans les villes du Canal de Suez – parce qu’elles ont été jugées d’un grand bénéfice moral pour les combattants, les incitant à l’héroïsme et à la bravoure et donc à prendre les armes pour la cause de la nation.
Alors que les fracas et les bombardements bourdonnaient partout à l’extérieur, les Egyptiens du Canal jouaient chez eux, des airs plus doux aussi bien qu’incitateurs.
La simsimiyya est un instrument de musique à cordes semblable à la « tanbura » des Nubiens, racontent Dr Mohamed Chabana, professeur de musique populaire à l’Académie des Arts. Il rappelle que lors du creusement du Canal de Suez, les ouvriers nubiens accomplissaient leur travail sous les airs de la tanbura. Petit à petit et avec le temps, cet instrument évolue et devient la simsimiyya, considérée comme le porte-parole des habitants du Canal en temps de guerre et lors des opérations de déplacement forcé, après l’agression de 1956 et la guerre de 1967.
Les habitants du Canal, jouant la simsimiyya, composaient des lyriques de chansons qui vont et qui s’adaptent à ce grand mouvement de militantisme, pour un double objectif : encourager les militants et surtout provoquer la colère de l’occupant, raconte-t-il encore.
Après la grande victoire d’Octobre 1973, la simsimiyya n’est plus liée à la guerre et aux crises, elle est devenue aussi une musique de divertissement et de plaisir, utilisée par les troupes artistiques en donnant leurs représentations sur les différents théâtres. Toutefois, la simsimiyya reste la musique qui, une fois entendue, l’on se souvient tout de suite des villes du Canal et des « bamboutiya », ces travailleurs chargés d’assurer les différents services aux navires traversant cette importante voie maritime.
Le fameux poète Kamel Eid est celui qui a écrit le plus célèbre chant de simsimiyya : Oum Al-Kholoul. Cet octogénaire, oublie peut-être beaucoup de détails de la vie, mais jamais les temps de guerres et de déplacement forcé à Port-Saïd. Il se rappelle donc bien qu’il a refusé de quitter sa ville et a décidé d’y rester, ce qui enflamma son imagination et l’inspira pour composer une troupe de jeunes, « La troupe des jeunes de la victoire », qui présenta de nombreuses chansons mobilisant les soldats et les habitants des villes du Canal et de toute l’Egypte.

Photo : Le poète Kamel Eid avec « La troupe des jeunes de la victoire » posant avec le président Sadate