Clin d’œil
Par : Samir Abdel Ghany

Il y a des artistes dont l’empreinte dépasse le simple cadre du dessin. Amgad Rasmi, maître incontesté de la caricature arabe, fait partie de ceux-là. L’idée de consacrer un livre à son œuvre s’est imposée comme une évidence. Lorsque l’illustrateur Nasser Al-Jaafari en entend parler, il l’accueille avec enthousiasme : « Ce livre sera une contribution précieuse au patrimoine créatif », affirme-t-il.
Pourtant, écrire sur un artiste de cette stature relève du défi. Comment rendre justice à une telle carrière ? La réponse est venue naturellement : donner la parole aux dessinateurs arabes, afin que leurs témoignages deviennent autant de messages d’admiration pour l’homme, son art et la caricature qu’il a portée au plus haut.
Une langue universelle

Rasmi n’est pas seulement un caricaturiste, mais une pensée, une philosophie et un engagement. Tous ceux qui en parlent soulignent son caractère exceptionnel : ses dessins ne passent jamais inaperçus et laissent une trace profonde. L’artiste Adel Sabri résume son style comme « une langue universelle, au-delà des mots et des frontières culturelles ».
Pour le Soudanais Oussama Bou Taleb, ses œuvres sont « une clé d’un monde d’étonnement et de merveilles ». Sa force réside dans cette capacité rare à simplifier les problématiques les plus complexes, tout en leur donnant une profondeur saisissante.


Une plume plus forte que les discours
« Militant armé de sa plume » : ainsi le décrit le photographe Ayman Lotfi, pour qui ses traits valent plus que les déclarations des grandes organisations internationales. « Ils accomplissent ce que ni missiles ni chars ne peuvent faire », ajoute-t-il.

L’Irakien Ali Al-Mandalawi va plus loin, décrivant sa plume comme une « lance », celle d’un combattant qui plonge dans les zones les plus sombres pour en dévoiler l’essence. La prédominance du noir dans ses dessins n’est pas anodine : elle exprime une vérité révélée par un « cœur aimant », condition, selon lui, de toute vision juste.
Le silence qui crie
Ce qui distingue peut-être le plus Amgad Rasmi est sa capacité à parler sans mots. Ses caricatures sont « silencieuses mais criantes », selon Oussama Taleb et Farouk Moussa. Leur force réside dans ce « haut degré de condensation », explique Mandalawi : en quelques traits, une petite scène porte une grande cause.
Pour Ahmed Samir, Ahmed Khabali et Arkan Al-Zaidi, son génie réside dans une sincérité absolue : il transforme la douleur en art, les blessures en lignes d’une vérité universelle.

Une empreinte inimitable

« Dès ses débuts, il était différent et singulier », rappelle l’artiste Shaimaa Mortada. Ses dessins portent une signature unique, loin de toute imitation. Ses personnages, ses perspectives, ses traits s’imposent par leur originalité. Cette singularité a façonné une génération entière : Farouk Moussa confie avoir suivi son travail pour sa profondeur et sa dimension philosophique.
Tous les témoignages convergent : Amgad Rasmi est bien plus qu’un dessinateur. « Une plume élégante, une pensée panarabe, une stature artistique et intellectuelle », résume Mostafa El-Sheikh, président de l’Association égyptienne de la caricature. Ses œuvres conjuguent puissance graphique et profondeur d’idée, comme l’a également souligné l’artiste syrien Mowaffaqat.


