En Egypte, le mois d’août a toujours un parfum singulier. Il réunit, comme un mariage improbable, la ferveur spirituelle et les escapades marines. D’un côté, le jeûne de la Vierge Marie, moment de piété profonde partagé par coptes et musulmans ; de l’autre, la grande transhumance estivale vers Alexandrie, la côte nord ou la mer Rouge. Entre chapelets et bouées gonflables, août navigue entre ciel et mer, et les Égyptiens n’ont pas manqué d’inventer des expressions hautes en couleur pour dire cette ambiance unique.
1. El-Adra, oum el-nour, téssahel kol el-omour
La Vierge, “mère de lumière”, éclaire et apaise les âmes. Dans les rues du Caire comme sur les routes poussiéreuses de Haute-Égypte, cette phrase s’affiche sur les pare-brises des voitures : “La Vierge, source de lumière, facilite toutes les affaires.” Une sorte de talisman roulant, à la fois prière et porte-bonheur.
2. Kirialaïssone
“Seigneur, prends pitié.” Voilà ce que signifie ce mot venu du copte, qui a traversé les siècles et les confessions. Si les chrétiens l’emploient dans leurs prières, les musulmans le connaissent tout autant. Un mot devenu patrimoine commun, comme un refrain sacré qui se glisse dans toutes les bouches lors des fêtes. En ces jours bénis, on ne peut que souffler à mi-voix : Kirialaïssone.
3. Rabna yenayah rohak
Quand un être cher quitte ce monde, les Égyptiens coptes murmurent : “Que Dieu prenne soin de ton âme.” Une formule simple, tendre, pudique, qui habille le deuil d’une dignité apaisée.
Les proverbes de la mer : Sagesse salée à l’égyptienne
1. Edini omr wi ermini el-bahr
“Donne-moi la vie et jette-moi dans la mer.” L’expression signifie que tant que Dieu prolonge notre souffle, rien n’est perdu, même au cœur des tempêtes. Autrement dit : si le destin ne t’a pas encore appelé, les requins eux-mêmes peuvent attendre.
2. Echrab min el-bahr
“Bois de la mer.” Attention, ici pas question de philosophie à la Jean de La Fontaine. L’expression française “ce n’est pas la mer à boire” relativise la difficulté d’une tâche. L’égyptienne, au contraire, mord un peu : puisque l’eau de mer est imbuvable, l’injonction revient à dire, poliment mais fermement : “Va te faire voir.” Une gifle verbale, salée mais sans vulgarité.
3. Amal min el-bahr téhina
Promettre la lune, c’est facile. Transformer l’eau salée en tahina – cette onctueuse pâte de sésame – voilà qui relève de la supercherie. Cette expression raille les promesses en l’air, celles qui se dissolvent aussi vite qu’un château de sable à marée montante.
Ainsi va le mois d’août égyptien, entre cierges allumés et parasols plantés dans le sable. Un mois où l’on prie, où l’on rit, où l’on nage… et où l’on invente toujours de belles phrases pour tenir la mer et le ciel dans une même main.





