Le retour de l’inflation de part et d’autre de l’Atlantique pousse les banquiers centraux à ressortir l’arme des taux d’intérêt. Jean-Paul Pollin explique en quoi les banques centrales font face à leurs responsabilités, et esquisse les pistes possibles.
Dès le début de la pandémie, quand on a commencé à percevoir l’ampleur de ses conséquences, la plupart des économistes ont plaidé en faveur d’un soutien vigoureux à la demande globale. En ce sens la politique monétaire se devait surtout d’apporter son concours à l’action, donc au financement, de la politique budgétaire. Car la faiblesse des taux d’intérêt et d’inflation laissait trop peu de marges de manœuvre aux banques centrales.
Au point que certains avaient évoqué l’idée, aujourd’hui risible, d’une distribution directe de monnaie aux particuliers (la « monnaie hélicoptère ») pour stimuler la demande et éloigner le spectre de l’inflation. Rares étaient ceux qui faisaient valoir que la combinaison d’un choc d’offre négatif (du fait de la désorganisation de la production, du report des investissements, de pertes de compétences…) et d’un choc de demande positif (stimulation budgétaire, désépargne…) pouvait déboucher à la fois sur un recul de l’activité et sur de l’inflation. Or c’est bien ce scénario qui s’est concrétisé.
La crainte de la déflation relevait d’une erreur d’analyse, mais cette erreur a eu le grand mérite d’amener les banques centrales à soutenir sans réticences les politiques budgétaires, c’est-à-dire à accepter leur « dominance » et à ressortir les instruments non conventionnels qu’elles avaient forgés quelque temps auparavant pour sortir de la Grande Récession. Pourquoi ne pas accompagner le laxisme budgétaire puisqu’il était dit que la stabilité des prix n’était pas en danger ? Ce fut très utile, et lorsque les premiers signes d’inflation se sont manifestés, les autorités monétaires ont été au premier rang pour déclarer qu’il s’agissait de mouvements transitoires qui n’avaient pas vocation à s’autoalimenter.
L’argument a rassuré mais il peine désormais à convaincre. Après avoir cédé sur leur indépendance, les banques centrales ne peuvent maintenant sacrifier leur crédibilité. Face à des hausses qui persistent, elles sortent du déni d’inflation en ordre dispersé. Ce qui ne sera pas sans difficulté ou du moins sans soulever des interrogations.