
Dans l’Égypte antique, le soleil impitoyable et les vagues de chaleur accablaient quotidiennement la population. Pourtant, sous le règne des pharaons, une civilisation brillante a su domestiquer cette canicule à l’aide de savoirs ingénieux, de croyances profondes et d’innovations environnementales.
Par Marwa Mourad
Les Égyptiens ont repoussé la canicule non pas par des machines, mais à travers le génie naturel : architecture ventilée, matériaux isolants, techniques d’évaporation, vêtements adaptés, respect de l’environnement et planification agricole stratégique. Leur harmonie avec la nature, spirituelle et physique, a façonné une civilisation prospère malgré la chaleur écrasante.
Utilisation du Nil : La source de fraîcheur divine
Au cœur de l’économie égyptienne se trouvait le Nil, dont la crue annuelle irrigue la vallée et dépose sur les sols un limon fertile indispensable. Grâce à des systèmes d’irrigation ingénieux — bassins d’inondation, canaux, chadouf, saqias —, les Égyptiens pouvaient orienter l’eau là où elle était nécessaire, maintenant la fraîcheur des terres et alimentant la population même sous la chaleur extrême .
Architecture climatique : Des murs épais au souffle rafraîchissant
Les habitations, qu’elles soient populaires ou royales, étaient construites en briques de terre crue (briques d’adobe) mélangées à de la paille ou des fibres. Ces murs très épais offraient une isolation thermique naturelle, gardant l’intérieur étonnamment frais — parfois même autour de 22 °C — malgré les températures écrasantes .
Mais l’élément le plus ingénieux était le malqaf, ou « attrape-vent » : une tour avec une ouverture orientée vers la brise dominante, captant l’air frais, le canalisant à l’intérieur, et évacuant la chaleur naturelle. Ce procédé de ventilation passive, souvent associé à d’autres éléments comme les cours intérieures ombragées, les fontaines et les fenêtres ajourées (mashrabiya), créait une atmosphère intérieure incroyablement confortable, sans électricité.
Refroidissement par évaporation et ombrage humide
Les Égyptiens disposaient aussi de techniques simples et astucieuses : tremper des nattes de roseau dans l’eau et les placer devant les ouvertures, favorisant l’évaporation et rafraîchissant l’air entrant. Des bassins peu profonds d’eau, souvent ornés de végétation, installés dans les cours, amplifiaient également l’effet rafraîchissant par évaporation naturelle.
Vêtements adaptés : La fraîcheur dans le tissu
Les anciens Égyptiens portaient des vêtements en lin, son matériau privilégie. Léger et respirant, le lin était idéal pour supporter la chaleur. Le plus souvent, hommes et femmes portaient des vêtements légers, rimant avec sobriété et fonctionnalité. Seuls les élites pouvaient se parer, mais la plupart vivaient avec un simple pagne (shenti), parfois nus au travail.
Sagesse religieuse et gestion durable de la nature
Les pharaons et les prêtres considéraient fort respectueusement le Nil, source de vie incarnée par le dieu Hâpy. Toute pollution ou gaspillage était interdit, renforçant ainsi une gestion durable des ressources. Zahi Hawass souligne cette conscience environnementale, où l’équilibre avec la nature était essentiel pour la survie de la civilisation.
Réponses climatiques à des crises extrêmes
Pendant les périodes de sécheresse sévère vers 1250–1150 av. J.-C., des mesures spéciales furent mises en place : augmentation de la production céréalière dans les régions fertiles, exportation vers les zones en déficit, et élevage sélectif de bovins résistants à la chaleur, comme les zébus d’origine indienne. Ces initiatives montrent un État climat-visionnaire, anticipant les conséquences dramatiques des dérèglements environnementaux.