France – Egypte : Nouvelles pistes
de coopération maritime
– La Méditerranée est notre avenir… ensemble nous allons régénérer l’océan
– Engagement français pour une gouvernance maritime durable
– Paris appelle à une mobilisation internationale “à la hauteur de l’urgence”
– Les crises et conflits armés sont “un véritable fléau” pour les milieux marins
En visite en Egypte pour participer aux travaux de la COP24, la ministre déléguée chargée de la Mer et de la Pêche, Catherine Chabaud, a réaffirmé l’engagement de la France en faveur d’une gouvernance maritime durable et d’une action renforcée face aux effets du changement climatique sur les écosystèmes marins.
Propos recueillis par Névine Ahmed
Lors d’un entretien accordé en marge des sessions thématiques de la conférence, la ministre a salué la coopération déjà existante entre Paris et Le Caire dans le domaine maritime et halieutique, soulignant “la nécessité de bâtir des partenariats concrets, capables d’apporter des solutions partagées aux défis communs que sont la préservation de la biodiversité, la sécurité en mer et la lutte contre la pollution”. Elle a appelé à “amplifier la mobilisation collective” face à la dégradation accélérée des milieux marins en Méditerranée et en mer Rouge.
A l’entame de son intervention, la ministre française chargée de la Mer et de la Pêche, Catherine Chabaud, a tenu à exprimer “au nom de la France” sa profonde gratitude envers l’Egypte pour l’accueil chaleureux réservé à la délégation française ainsi qu’à l’ensemble des participants de la COP24. Elle a salué “l’organisation exemplaire” de la conférence, soulignant que les autorités égyptiennes avaient su créer les conditions propices à un dialogue serein, constructif et ambitieux autour des grands enjeux environnementaux méditerranéens.
La ministre a rappelé qu’il s’agissait là d’un moment particulièrement significatif, l’Egypte occupant une place centrale en Méditerranée orientale tout en assumant la présidence tournante des différentes COP relevant de la Convention de Barcelone. “C’est un privilège et une responsabilité que l’Egypte porte avec sérieux et détermination”, a-t-elle affirmé, en mettant en avant le rôle stratégique du pays dans la mobilisation régionale pour la protection du milieu marin et côtier.
Cette présidence, a-t-elle poursuivi, offre l’avantage de placer une attention renouvelée sur les défis spécifiques auxquels est confrontée la Méditerranée orientale : pressions environnementales croissantes, vulnérabilité des écosystèmes, urbanisation accélérée, pollution, conflits armés et impacts du changement climatique. En se trouvant au cœur de cette zone charnière, l’Egypte contribue à “mettre la lumière sur des questions trop souvent reléguées au second plan”, permettant de repositionner la Méditerranée comme un espace prioritaire de coopération internationale.
La ministre Catherine Chabaud a rappelé la solidité des liens qui unissent la France et l’Egypte, des liens nourris par “une tradition de coopération ancienne et constante”. Elle a souligné que les relations bilatérales avaient récemment été renforcées par la visite du Président de la République, Emmanuel Macron, en Egypte, au cours de laquelle il a eu des entretiens qualifiés de “très constructifs” avec le Président Abdel Fattah Al-Sissi. Ces échanges, a-t-elle noté, ont confirmé “l’existence d’une véritable relation de confiance” entre les deux pays, illustrée par des partenariats économique, industriel et stratégique de plus en plus dynamiques.
S’agissant de l’axe sur la protection de l’environnement marin, Catherine Chabaud a répondu à une question sur son avis, tenant compte que l’Egypte investit fortement dans la préservation de ses côtes et des ses écosystèmes marins, pour lutter contre la pollution, protéger les récifs coralliens et encourager l’économie bleue et durable.
En tant que ministre chargée de la Mer et de la Pêche, Chabaud a dit percevoir “un potentiel formidable” dans la coopération maritime entre la France et l’Egypte. Elle a insisté sur la position géographique exceptionnelle du pays, situé à la croisée de deux ensembles maritimes majeurs, la Méditerranée et la mer Rouge, et jouant ainsi un rôle de passerelle entre les océans Indien et Atlantique via le Canal de Suez. “L’Egypte occupe une place charnière dans les échanges maritimes mondiaux”, a-t-elle souligné, en rappelant que cette position confère au pays une responsabilité mais aussi une capacité d’action significative dans la dynamique de protection des océans. La ministre a également rappelé le rôle stratégique de l’Égypte dans le transport maritime mondial. Situé au cœur des grandes routes maritimes, le pays constitue un passage incontournable pour le commerce international, notamment grâce au Canal de Suez, artère vitale par laquelle transite une part essentielle du trafic entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique. « Le transport maritime mondial passe aussi par l’Égypte », a-t-elle souligné, mettant en avant l’importance géopolitique et logistique de cette position.
Selon elle, cette position centrale géographique offre à l’Egypte une opportunité unique de “contribuer non seulement à la préservation, mais aussi à la régénération des milieux marins”, un enjeu désormais crucial dans le contexte du changement climatique et de la pression croissante sur les ressources halieutiques.
Évoquant les enjeux maritimes auxquels la France est elle-même confrontée, la ministre a rappelé que son pays dispose d’un vaste espace maritime – l’un des plus étendus au monde – et que, de ce fait, il partage avec l’Egypte la responsabilité de préserver la mer comme un bien commun. “Nous avons tous beaucoup d’enjeux avec la mer”, a-t-elle insisté, rappelant que les défis liés à la sécurité maritime, au changement climatique, à la biodiversité et à l’exploitation durable des ressources ne connaissent pas de frontières. “Nos destins maritimes sont liés, et c’est ensemble que nous pouvons relever les défis qui se présentent”, a-t-elle renchéri.
Elle a également mis en avant la possibilité de développer davantage une économie bleue durable, capable d’allier innovation, protection des écosystèmes et création de valeur, tant pour les populations côtières que pour les filières économiques.
“L’Egypte possède tous les atouts pour devenir un acteur majeur de la transition maritime mondiale”, a conclu la ministre, en appelant à intensifier la coopération franco-égyptienne autour des sciences marines, de la gestion durable des pêches, de la surveillance maritime et des nouvelles technologies appliquées à la mer.
Il n’y a pas de frontières dans la mer
Interrogée sur les attentes de la France à l’égard de la COP24 en matière de lutte contre la pollution en Méditerranée – d’autant que cette mer est aujourd’hui affectée par plusieurs opérations militaires susceptibles d’altérer son écosystème – Catherine Chabaud a rappelé l’urgence d’une action collective renforcée. “Nous sommes en fait dans une mer fermée”, a-t-elle souligné, rappelant qu’en Méditerranée, les pollutions ne connaissent ni frontières politiques ni barrières naturelles. “Les déchets qui ne sont pas traités dans un pays rejaillissent inévitablement sur les autres. Les eaux nous relient, tout comme les causes de nos difficultés”, a-t-elle affirmé.
Pour la ministre déléguée chargée de la Mer et de la Pêche, cette interdépendance rend indispensable une coopération régionale ambitieuse et constante. Elle a détaillé les deux grandes catégories de pollution qui menacent aujourd’hui l’équilibre écologique de la Méditerranée : d’une part les déchets solides, notamment plastiques, qui se fragmentent en micro-particules et contaminent toute la chaîne trophique, et d’autre part, les eaux usées issues de l’agriculture, de l’industrie ou encore des rejets domestiques, dont les effets cumulatifs fragilisent durablement les milieux côtiers. “Réduire ces pollutions nécessite un travail collectif”, a insisté Catherine Chabaud, estimant que des rencontres comme la COP24 jouent un rôle essentiel pour “pousser chacun à se fixer des objectifs concrets” et pour renforcer les mécanismes de coopération déjà existants dans le cadre de la Convention de Barcelone. Elle a également relevé que les solutions les plus innovantes ou les plus efficaces émergent parfois des pays du Sud de la Méditerranée, preuve que l’action environnementale ne dépend pas seulement des moyens, mais aussi de la volonté politique.
Interrogée sur la manière de développer une véritable stratégie internationale et une politique maritime globale, Catherine Chabaud a dénoncé la tendance persistante à traiter les enjeux marins de façon fragmentée. “Le problème de la mer, c’est que nous abordons trop souvent les sujets en silo : l’un s’occupe de la pêche, un autre du transport maritime, un autre des pollutions d’origine terrestre, un autre encore des questions agricoles…”, a-t-elle expliqué. Selon elle, cette approche sectorielle empêche d’appréhender la mer comme un système vivant interdépendant, dont chaque pression impacte l’ensemble de l’écosystème.
Renforcer la coopération internationale pour protéger les océans
A l’échelle internationale, la ministre a appelé à poursuivre les efforts engagés pour parvenir à un accord global sur la réduction de la pollution plastique. “Nous devons collectivement travailler à l’aboutissement d’un traité ambitieux sur le plastique, pour réduire drastiquement la quantité de plastique qui finit en mer”, a-t-elle indiqué, en rappelant que la Méditerranée, mer semi-fermée parmi les plus polluées au monde, ne peut plus attendre. Mme Chabaud a par ailleurs insisté sur le fait que la préservation de l’environnement en Méditerranée ne relève pas seulement de la responsabilité d’un pays ou d’une rive, mais bien “d’un engagement collectif partagé par l’ensemble des signataires de la Convention de Barcelone”. Elle a rappelé que cette coopération, qui dépasse les clivages géopolitiques, constitue l’un des rares cadres où les pays riverains parviennent à unir leurs efforts autour d’un objectif commun, celui de garantir la sauvegarde d’un patrimoine naturel fragile, vital et profondément interconnecté. “La Méditerranée est notre bien commun, et sa protection exige une action résolue, concertée et continue”, a-t-elle conclu, en appelant à renforcer encore les synergies régionales et à poursuivre les efforts entrepris sous la présidence égyptienne.
Evoquant les pollutions résultant des crises politiques et des conflits armés, Catherine Chabaud a rappelé que ces phénomènes constituent “un véritable fléau” pour les milieux marins, en Méditerranée comme ailleurs. Elle a souligné que la France et l’Europe ne sont pas épargnées par cette réalité : “Dans nos eaux françaises et européennes, nous retrouvons encore des déchets issus des deux guerres mondiales. Ces traces du passé continuent de polluer, parfois de manière invisible, mais avec des conséquences durables pour les écosystèmes”. La ministre a également cité la mer Noire comme exemple particulièrement préoccupant. “La mer Noire est aujourd’hui trop polluée en raison du conflit russo-ukrainien”, a-t-elle regretté, rappelant que les opérations militaires, les destructions d’infrastructures, les ruissellements contaminés et l’absence de contrôle environnemental dans les zones de combat aggravent de manière significative la dégradation des eaux. Catherine Chabaud a regretté que ces pollutions – qu’elles soient héritées du passé ou engendrées par des crises contemporaines – constituent un “lourd héritage” que les sociétés actuelles risquent de transmettre aux générations futures. “C’est vraiment très dommageable, car nous parlons ici d’une responsabilité dont les effets se mesurent sur plusieurs décennies”, a-t-elle insisté.
En Egypte, Chabaud plaide pour une action climatique accrue en mer
Commentant le développement des ports égyptiens et les opportunités de collaboration dans les domaines du transport maritime, de la logistique et de la modernisation des infrastructures portuaires, de façon à réduire les émissions de carbone dans le secteur maritime, la ministre française a plaidé pour la mise en place de politiques maritimes intégrées, capables de relier entre eux les enjeux économiques, environnementaux et sociaux. “Les océans sont la richesse de l’humanité : ils nourrissent des millions de personnes, produisent une part essentielle de l’oxygène que nous respirons et soutiennent une biodiversité unique”, a-t-elle rappelé. Mais ils sont aujourd’hui parmi les environnements les plus menacés par les pollutions multiples, l’urbanisation côtière, l’acidification et le réchauffement climatique. “Notre avenir dépend de notre capacité à concilier développement et protection, à envisager un progrès qui régénère plutôt qu’il ne détruit”, a-t-elle ajouté.
Pour Catherine Chabaud, cela signifie travailler de manière concertée à la réduction des pollutions marines, mais aussi repenser profondément le transport maritime, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre du secteur, ainsi que les pollutions générées directement dans les eaux par les navires. Elle a souligné que ces problématiques ne peuvent plus être traitées isolément, car elles relèvent toutes d’un même impératif : préserver les écosystèmes marins et côtiers.
La ministre a rappelé qu’il existe déjà, en Méditerranée, une stratégie maritime régionale qui constitue une véritable feuille de route. “Elle offre des idées, des orientations, des exemples concrets de coopération, notamment en matière de lutte contre la pollution”, a-t-elle expliqué, saluant les efforts de coordination qui se renforcent sous l’égide de la Convention de Barcelone et des initiatives régionales. Elle a également mis en avant le rôle de la France, dont l’Agence de l’environnement dispose d’un département international qui collabore avec de nombreux Etats méditerranéens, “et notamment avec l’Egypte”, a-t-elle précisé. Parmi les chantiers emblématiques figure la coopération autour de la posidonie, plante sous-marine essentielle à la biodiversité méditerranéenne, au stockage du carbone et à la protection des littoraux. “C’est un exemple parmi d’autres de ce que la coopération scientifique et environnementale peut produire de mieux”, a-t-elle conclu, en appelant à faire de la Méditerranée un laboratoire d’innovation pour la protection des océans.




