
Il est des terres où la jeunesse pousse comme une promesse, fragile et lumineuse, qui ne demande qu’un peu de soin pour fleurir. Dans chaque ville, chaque village, chaque recoin des gouvernorats d’Egypte, des regards brillants attendent d’être éclairés, des talents sommeillent dans le silence, prêts à s’éveiller. Conscient de cette richesse humaine, le ministère de la Culture, à travers l’Autorité générale des Palais de la culture, déploie une attention profonde et sincère pour tendre la main à cette jeunesse en devenir.Par des outils variés – qu’ils soient artistiques, littéraires, théâtraux ou numériques – l’institution s’engage à semer les graines de la culture, à nourrir les esprits, à élargir les horizons. Car cultiver un jeune, c’est préparer une nation à rêver, à créer, à se tenir debout avec fierté et humanité.
Palais de la culture : Entre l’idéal populaire et la réalité des fermetures
L’Autorité générale des palais de la culture est l’un des principaux leviers du ministère de la Culture pour atteindre le public. Elle dispose de plus de 500 établissements culturels variés, comprenant des palais, des maisons de la culture, des bibliothèques et des centres culturels répartis à travers tout le pays.Cependant, cette institution fait face à une crise croissante concernant l’efficacité réelle de ces structures et leur capacité à offrir un service culturel authentique, en phase avec les aspirations du public et les mutations de l’époque.L’idée de fonder l’Autorité générale des palais de la culture remonte aux années 1960, sous l’impulsion du défunt ministre de la Culture, Tharwat Okacha. Il souhaitait alors décentraliser la culture et l’amener dans les villages et les hameaux, s’inspirant des expériences des pays socialistes européens en matière de justice culturelle. Une vision qu’il a consignée dans son célèbre ouvrage “Mémoires sur la politique et la culture”, convaincu que la justice sociale ne peut être complète sans justice dans la répartition de la culture. Mais, plus de six décennies plus tard, des questions cruciales se posent :Ces établissements culturels fonctionnent-ils réellement ? Offrent-ils au public les services qu’Okacha rêvait de leur voir fournir ? Et leurs infrastructures sont-elles réellement adaptées à l’organisation d’activités culturelles attractives et vivantes ? La réalité – selon les données officielles – révèle que moins de la moitié de ces sites sont réellement opérationnels. Quant aux espaces capables d’accueillir de grands événements, ils se comptent sur les doigts d’une main. Le reste est soit fermé en raison de négligence, soit en attente de rénovations qui n’ont pas encore commencé, ou ont été interrompues.Une autre partie de ces structures opère dans des conditions extrêmement précaires, dans des appartements loués ou de petites bibliothèques dont certaines ne dépassent pas une seule pièce, parfois partagées avec d’autres institutions. Organiser une activité publique dans de telles conditions devient un véritable défi. Transition numérique Dans un contexte de transition numérique et de transformation des modes de réception du public, certains de ces lieux ne sont “culturels” que de nom, sans contenu ni efficacité, ressemblant à des “sites fantômes” qui ne reflètent ni l’ambition ni les objectifs initiaux de l’institution. Dès lors, il devient essentiel que la question des palais de la culture dépasse les simples chiffres, pour s’interroger sur leur interaction réelle avec le public et leur ancrage dans la vie quotidienne des citoyens, afin qu’ils ne se transforment pas en bâtiments vides de sens, alors qu’ils étaient conçus comme des outils de sensibilisation et de diffusion culturelle à travers toutes les régions du pays. C’est dans ce cadre que la Commission du Plan et du Budget du Parlement a examiné, lors de sa réunion présidée par le Dr Fakhry El-Feky, le budget du ministère de la Culture pour le nouvel exercice financier. Étaient présents le ministre de la Culture, Dr Ahmed Hano, ainsi que le conseiller Mahmoud Fawzi, ministre des Affaires parlementaires, juridiques et de la Communication politique. Durant la séance, plusieurs députés ont soulevé les problèmes liés aux palais de la culture dans leurs circonscriptions. Le député Yasser Omar, vice-président de la commission, a évoqué la décision du ministère de fermer les appartements loués abritant des centres culturels, citant l’exemple d’un centre culturel à Assiout qui abrite des troupes artistiques représentant l’Egypte à l’étranger. Il a demandé une révision de cette décision. De son côté, le député Moustafa Salem, également vice-président de la commission, a exigé de connaître le nombre de centres affectés par cette décision, les raisons de cette mesure et si elle avait été soumise au Conseil des ministres. Il a aussi signalé que le centre culturel de Sohag est à l’arrêt depuis deux ans, avec des activités suspendues depuis quatre ans.
Incubatrice de talents
Le ministre de la Culture a alors réagi en expliquant que tous les palais de la culture ne sont pas de véritables palais. Une grande partie d’entre eux se compose de petites chambres ou d’appartements exigus.Il a précisé que la culture n’est pas un simple enseignement, mais une incubatrice de talents à travers des activités qui favorisent l’éveil et la connaissance, ce qui ne peut se faire dans un appartement de 40 m². Il a même évoqué des espaces de seulement 9 m², ajoutant que certains employés ne se présentent même pas à leur poste, et qu’ils seront réaffectés ailleurs.
Enfin, le ministre a annoncé que les décisions de fermeture seraient prises selon l’impact culturel réel de chaque site, sur la base de rapports d’inspection et d’évaluation du niveau d’activité. Il s’est engagé à ne pas fermer les centres réellement actifs.
Quand la culture reprend son souffle en province
Il y a des soirs où le théâtre devient plus qu’un art : il devient acte de résistance, souffle d’espérance, miroir tendu à la société. Ce fut le cas, ces derniers jours, à la Bibliothèque Publique de Fayoum, où l’on a débattu avec passion du spectacle théâtral « Le jour où ils tuèrent le chant », dans une atmosphère chargée d’émotion et de réflexion.Sous l’égide de l’Autorité Générale des Palais de la Culture, dirigée par le général Khaled El-Labban, et dans le cadre du programme national de soutien à la vie littéraire et artistique en province, cette rencontre a réuni critiques, écrivains, artistes et passionnés, venus nombreux pour témoigner que l’art vit, même loin de la capitale.La séance, placée sous la supervision de l’écrivain Mohamed Nassif, vice-président de l’Autorité, a été animée par le romancier Mohamed Gamal El-Din. Elle a accueilli les interventions du critique Issam El-Zuhairi, du professeur de rhétorique et critique littéraire Dr. Walid El-Sheimy, ainsi que de l’artiste Murad El-Tallawi. Ensemble, ils ont disséqué la portée symbolique et dramatique de cette œuvre bouleversante, écrite par Mahmoud Gamal El-Hadiny.Dr. Walid El-Sheimy a ouvert la discussion en saluant la force du texte, qui, sous des dehors mythologiques et symboliques, racontait un affrontement éternel entre le bien et le mal. Le chant y devient métaphore de la pureté, de la beauté, assassinée par la tyrannie. Il a salué l’interprétation magistrale de Mahmoud Abdel-Moti dans le rôle central d’« Arius », un personnage écartelé entre la voix maternelle et l’appel du pouvoir, tension dramatique fondatrice de toute la pièce.Le professeur a également salué la performance inoubliable de l’actrice Hadiya El-Sawah dans un rôle bref mais bouleversant, celui de la vieille femme, charnière de l’intrigue. Il a mis en lumière l’ingéniosité du décor circulaire en mouvement, des jeux de lumière et du choix des costumes, qui tous ont enrichi la force visuelle du spectacle.Murad El-Tallawi, scénographe du spectacle, a insisté quant à lui sur la richesse de la dimension visuelle : un pari audacieux, saturé de symboles. S’il a regretté certaines failles dans la composition spatiale – comme la limitation de l’action à l’avant-scène et un manque de contraste chromatique –, il a reconnu une volonté forte de faire du décor un langage en soi, vecteur de sens et d’émotion.Le romancier Mohamed Gamal El-Din, saluant les efforts consentis malgré les faibles moyens, a rappelé que le théâtre repose toujours sur deux piliers : le texte et l’acteur. Il a souligné la pertinence des critiques constructives qui, loin de blâmer, offrent des clefs pour un avenir artistique plus solide.De son côté, le critique Issam El-Zuhairi a vu dans la pièce une œuvre d’inspiration postmoderne, bâtie sur la déconstruction et les retournements de situation. Loin d’un récit linéaire, la pièce emprunte aux mythes fondateurs – Caïn et Abel, l’Arche de Noé – pour les subvertir. À ses yeux, « Le jour où ils tuèrent le chant » est une métaphore bouleversante, où la mort du chant devient paradoxalement son renouveau.Le public a également pu entendre les témoignages émouvants des comédiens. L’actrice Gihan Ragab (Karmen) a exprimé le vœu d’un rôle plus développé, évoquant les difficultés rencontrées par l’équipe face au manque de moyens. Elle a salué l’énergie des jeunes et la performance lumineuse de Hadiya El-Sawah.Mahmoud Abdel-Moti a, quant à lui, évoqué son retour sur les planches après quatre années d’absence, exprimant sa fierté de partager la scène avec une jeunesse engagée et talentueuse. Il a lancé un appel vibrant à rendre à la Maison de la Culture de Fayoum son rôle de phare artistique et culturel dans la région.L’intellectuel Dr. Nasr El-Zoghbi a, pour sa part, plaidé pour la diffusion de ces spectacles dans les villages et les centres reculés, soulignant la nécessité de maintenir ces rencontres critiques qui nourrissent l’esprit et l’âme.Sahar El-Gamal, responsable du département de la culture générale au sein du gouvernorat, a réaffirmé l’engagement du département à proposer des spectacles itinérants dans toute la province, grâce au théâtre mobile et aux caravanes culturelles du programme Haya Karima.La pièce « Le jour où ils tuèrent le chant » a été mise en scène par Ahmed Abdel Basset et interprétée par une troupe talentueuse mêlant artistes confirmés et jeunes prometteurs : Sami Kamel, Mahmoud Abdel-Moti, Gihan Ragab, Eid Othman, Hadiya El-Sawah, Emil Al-Fans, Ibrahim El-Deeb, et bien d’autres. Le décor a été conçu par Mariam Essam et réalisé par Adel Rabie, les costumes par Iman Islam, la musique par Tarek El-Shobaky, et la lumière par Mahmoud Yass.Par ailleurs, dans une dynamique complémentaire, la Bibliothèque publique de Fayoum a accueilli les phases finales du concours interbibliothèques dans sa troisième édition sur le thème de « l’identité et les zones frontalières ». Le jury, composé de Sherine Ahmed, Mona Hussein et Abeer Hassan, sous la supervision de Hejazy Abdel-Tawab, a désigné les lauréats : Anas Jibril Abdel Ghani et Al-Hassan Fathy El-Sherif, issus de la bibliothèque des jeunes de Tamiya.À travers cette effervescence culturelle, Fayoum rappelle que l’âme d’un pays ne se mesure pas à ses gratte-ciels ni à ses budgets, mais à la voix de ses artistes et de ses écrivains, surtout lorsque ceux-ci, malgré les vents contraires, choisissent encore et toujours de faire chanter la lumière.