Ce soir, sous les feux chaleureux du théâtre de Qanater al-Khairia, la 32ᵉ édition du Festival des Clubs Théâtraux nous offre un avant-goût de son bouquet final. Deux créations d’une intensité rare y explorent les abysses familiaux et les tensions géopolitiques, entre violence contenue et enjeux de pouvoir.
« Nuit des meurtriers » : Le drame intime d’une colère refoulée
À 18 h, la troupe d’Al-Infoushi investit la scène avec « Nuit des meurtriers », librement inspirée du texte du dramaturge cubain José Triana et mise en scène par Ahmed Abdel-Mawla. Dans le huis clos d’un salon, trois frères et sœurs rejouent la mise à mort de leurs parents : rituel cathartique, cri silencieux pour extirper la rancœur accumulée. Les décors minimalistes se figent sous l’éclat violent des émotions. Chaque parole déchirée, chaque silence pesant fait vibrer la salle, comme si le spectateur était convié à ce tribunal familial où la culpabilité et la douleur s’entremêlent.
« Trifouga » : Au cœur de la guerre froide
À 20 h, c’est « Trifouga », création du groupe de Beni Mazar, qui prend le relais. Signée Mohammed Zaki et dirigée par Ayman Madani, la pièce suit Petroff, physicien soviétique spécialisé dans les satellites militaires. Alors que la guerre froide atteint son paroxysme, sa carrière le propulse à la tête d’une unité d’armement nucléaire. Entre les couloirs feutrés du centre d’opérations et l’immensité glacée des steppes, le héros oscille entre fierté scientifique et angoisse existentielle. Les jeux de lumière, alternant ombre et clarté tranchée, soulignent le dilemme moral d’un homme dont les inventions dictent l’équilibre du monde.
Outre la vitalité de ces deux spectacles — servis par l’énergie du metteur en scène Mohamed Taïa, directeur des clubs de théâtre —, le festival, placé sous le haut patronage du ministre de la Culture, Dr Ahmed Fouad Heno, se distingue par son engagement à offrir gratuitement l’art dramatique à 27 compagnies, deux représentations quotidiennes jusqu’à samedi. Une équipe de jurés réunissant critiques, musiciens et metteurs en scène veille à la reconnaissance des talents émergents.
Samedi soir, sur la scène de l’El Samer à Agouza, retentiront les applaudissements de la cérémonie de clôture et la remise tant attendue des prix. D’ici là, chaque représentation nous rappelle la puissance du théâtre : miroir des passions humaines, creuset des interrogations morales, souffle d’espoir et de vérité.