– De nouveaux problèmes exigeant de nouvelles solutions
A l’ère du journalisme numérique, des parties d’articles sont supprimées- abstraction faite des raisons- déformant ainsi parfois la vérité des faits, ce qui n’aurait pas pu été fait dans une édition imprimée, avec des règles strictes au niveau de la correction, des rectifications et des justifications pour toute rétractation d’un contenu précédemment publié. Exemple évident des éthiques professionnelles auxquelles il faut s’attacher même dans le domaine numérique.
Par Névine Ahmed
Il ne s’agit simplement pas d’une différence du contenu journalistique. Nous assistons plutôt à une véritable révolution médiatique qui modifie la face de la pratique journalistique et de ses déontologies, comme établies par les fondateurs de ce métier il y a plusieurs années.
Les règles régissant les codes de déontologie médiatique, transmises à travers les différentes générations visaient notamment à restreindre une certaine autorité spécifique – détenue par les médias traditionnels indépendamment des différents contextes politiques, économiques et juridiques– cette autorité est celle du “pouvoir de publication” ces nouvelles publiées, et par la suite le droit de les partager- exercé par les blogueurs et les visiteurs des sites numériques d’informations.
L’exercice de ce pouvoir est désormais accessible au plus jeune adolescent, ce que certains ont perçu comme une libération de l’autorité éditoriale, de ses contraintes morales antérieures. Fait alarmant ! En d’autres termes, cela impose de nouvelles règles éthiques que le journalisme professionnel doit respecter, non pas parce qu’il “monopolise” l’autorité de publication, mais parce qu’il se met comme responsable chargé de protéger son autorité morale en tant que source fiable et digne de confiance avec des informations exactes et de commentaires libres et équilibrés qui accompagnent ces informations.
Dans l’espace numérique, le journaliste professionnel est devenu au même pied d’égalité, si on peut le dire, avec le tweeter, le blogueur, le journaliste citoyen et l’utilisateur ordinaire des médias sociaux.
Une situation qui ne peut être considérée comme un moyen de fusion dans la foule, comme le définit Gustave Le Bon dans son fameux ouvrage sur “La Psychologie des foules”. Au contraire, cette situation a soumis quiconque prétend faire preuve de professionnalisme dans la cour du journalisme, et face à un véritable test pour prouver sa valeur et son éligibilité, ce qui ne peut être réalisé qu’en imprégnant le contenu des médias, de nouvelles règles éthiques.
Ce n’est pas là du nouveau. Une étude d’analyse menée en 2015, qui a porté sur 99 codes de déontologie journalistique, n’a révélé que seulement 9 codes incluaient des clauses spécifiques à l’éthique numérique, ce qui indique un intérêt faible et tardif pour cette nouvelle génération d’éthique professionnelle.
D’aucuns justifient ce manque d’intérêt par des raisons éthiques, en faisant valoir que “le journalisme est du journalisme” et que- par conséquent- les éthiques sont les mêmes. Toute tentative d’attribuer des normes éthiques spécifiques au contenu numérique porterait atteinte au cadre éthique général qui régit le travail journalistique, estiment d’autres, qui affirment que la presse- quelle que soit la nature du support qui la transmet au destinataire- n’est qu’un moyen de fournir au citoyen des informations et des opinions qui lui permettent d’être libre et de décider de son propre sort.
C’est là, juge-t-on, une justification qui résiste mal aux nouvelles menaces éthiques posées par la génération numérique des médias. Il est donc impératif que les cadres éthiques du journalisme sortent de leur utopisme et de leur rigidité antérieurs, puisque les nouveaux problèmes nécessitent de nouvelles solutions.