Les “fetewats”, les gaillards ou les costauds… des noms tous donnés à ces hommes de main apparus, il y a de longues années, et qui dans un temps, dirigeaient leur force au service du bien et des pauvres et dans un autre se sont transformés en bagarreurs et quasi-baltaguis- tyrans et brutes qu’ils étaient. Toutefois, le vrai fetewa est celui qui vient en aide au faible et le protège contre les tyrans et les malfaiteurs.
Les fetewats sont-ils ces personnes à la manière de Robin des Bois, qui pillaient les riches au profit des pauvres ? Ce terme est entré dans le vocabulaire égyptien pour désigner ces bagarreurs professionnels, qui dominaient notamment les quartiers populaires du Caire. Ce personnage de “fetewa” est omniprésent dans les romans des fameux écrivains, dont notamment le Prix Nobel Naguib Mahfouz.
Les historiens soulignent que les premiers fetewats sont apparus dès le 2e siècle de l’Hégire, à Bagdad en Irak. Ils ont été intégrés aux sphères du pouvoir, au point que le calife Al-Nasser s’était désigné comme leur chef en 604 de l’Hégire, comme précise l’écrivain Yasser Thabet dans son livre sur les “baltaguis”.
Au temps dudit calife, les fetewats signifiaient ces hommes gaillards, connus pour leur force physique, qu’ils dirigeaient vers le bien et vers la défense des opprimés.
En fait le mot “fetwa” en arabe, vient du mot “fotowa”, qui est un adjectif donné pour désigner la jeunesse notamment.
Au fil du temps, les fetewats sont entrés en Egypte et ont érigé leur propre système et établi leurs règles, pour ensuite perdurer dans l’Egypte moderne.
Les historiens racontent toujours que les fetewats ont joué un rôle important dans la défense du pays, contre l’Expédition française de Bonaparte en Egypte. Et au 19e siècle, Le Caire était divisé en zones d’influence de plusieurs fetewats. Chacun dominait sur son quartier et aucun autre fetewa ne pouvait empiéter sur la zone de l’autre. Aussi, avec l’évolution du temps et du vocabulaire, certains des fetewats étaient assimilés à des vrais chevaliers, tandis que d’autres à des criminels et des truands.
La page Facebook du site officiel du roi Farouk 1er, a consacré tout un article sur les fetewats, en soulignant qu’autour de ce personnage, nous trouverons beaucoup d’histoires et tant d’aventures.
On souligne donc que les fetewats, c’est un monde qui possède ses symboles aussi bien que sa terminologie. Le fetewa est don cet homme de main, brave et courageux; ce partisan du faible et qui rejette l’injustice et n’accepte pas les insultes. C’est cet homme qui défend les faibles; ce loyal, sincère et honnête, qui a de l’estime de soi. Son arme au combat n’est pas ce bâton qu’il porte souvent dans la main, mais c’est surtout son bras et sa tête, et c’est ce qui le distingue des “baltaguis”.
Connus pour leurs positions patriotiques, on se souvient qu’en 1798, lorsque les Mamelouks ont fui les armées de Napoléon, les fetewats du quartier d’Al-Hessiniya sont sortis, aux côtés du public, pour combattre Bonaparte. Ladite page Facebook relate ensuite les noms de certains fetewats d’Alexandrie et leurs histoires qui révèlent un côté important, encore peu connu, autour de ces gaillards.
– Ismaïl Sayed Ahmed
Le fetewa de Moharram bek, dans les années 30 et 40. Ismaïl Sayed Ahmed mettait les armes données à la lutte palestinienne, qui était à ses débuts, dans la voiture de son père pour les acheminer en cachette aux soldats. Ismaïl était originaire d’une famille de renom. Il avait un beau visage et on dit qu’il ressemblait au roi Farouk. C’est le fetewa Ismaïl qui a donné refuge à l’officier égyptien à l’époque, Anouar Al-Sadate, en le cachant dans sa villa à Moharram bek, juste après l’assassinat d’Amine Othman. Lorsque Sadate est devenu chef de l’Etat, il a donné ses ordres de transporter Ismaïl à bord de son avion spécial, et l’a accueilli dans sa demeure.
– El-Nounou
Après sa mort, on a découvert une lettre d’appréciation, dans laquelle les autorités le remerciaient pour son rôle dans la guerre de Palestine, qu’il mena avec beaucoup d’autres, contre les milices sionistes en 1948.
El-Nounou était un des fetewats les plus intrépides et les plus forts qui ont joué un rôle important pendant l’occupation britannique en Egypte. Ses parents le surnommaient “al-bo’abo’a” (l’effrayant), tant il était brave et courageux et effrayait ses adversaires. Parmi les histoires les plus intéressantes à propos d’El-Nounou, celle où l’on raconte que la Grande-Bretagne envoyait les produits alimentaires et les munitions à ses forces, à l’armée égyptienne et aussi à El-Nounou, pour éviter sa colère !
– Hamido
C’est le fetewa de la région d’Al-Anfouchi. Son histoire est intéressante. A l’époque, on organisait souvent à Alexandrie un festival ou une sorte de course à barques entre les habitants du quartier d’Al-Sayyala et ceux de Ras el-Tine. D’habitude, les habitants de Ras el-Tine étaient représentés par un homme appelé “Tolba”, alors que “Deghiche” représentait ceux d’Al-Sayyala. Une année, Hamido a pris part à ladite course et a représenté la région d’Al-Sayyala. Le khédive Abbas Helmi avait assisté, cette année-là, au festival. Et Hamido remporta la course. Le khédive lui lança alors quelques monnaies d’argent, mais Hamido refusa de les ramasser par terre, ce qui souleva la colère du khédive et il donna ses ordres de lui apporter Hamido jusqu’à son palais à Ras el-Tine.
Arrivé au palais, le khédive demanda à Hamido d’entrer en bagarre avec un de ses serviteurs les plus forts. Hamido clama au khédive que Dieu est le plus grand et soudainement il frappa par sa tête son adversaire qui tomba inconscient par terre. Le khédive ravi de la force de Hamido lui accorda le titre de “chevalier”.