Quand la langue égyptienne révèle tout ce que les mots français n’osent pas dire…
Ah, le regard des autres ! Il peut transformer le plus ordinaire d’entre nous en phénomène de foire ou en icône de style. Dans les ruelles du Caire, les mots ne se contentent pas de décrire : ils peignent, caricaturent, taquinent. Chaque expression populaire est une œuvre d’art à part entière — un croisement entre la sagesse d’un grand-mère et l’humour d’un chauffeur de microbus.
Alors, qui êtes-vous vraiment, aux yeux d’autrui ?
1. Machi ‘ala qéchr baïd — le marcheur sur coquilles d’œufs
Si vous arrivez toujours en retard et avancez à la vitesse d’un escargot somnolent, félicitations : vous êtes “machi ‘ala qéchr baïd”. Littéralement, « celui qui marche sur des coquilles d’œufs ».
L’expression suggère que vous progressez avec une lenteur tellement exaspérante qu’on pourrait croire que vous craignez de casser quelque chose à chaque pas. Pas de panique : ce n’est pas une insulte, c’est juste un rappel plein de poésie (et de sarcasme) que vous êtes un peu trop lent à la détente.
2. Tarallali — un grain de folie, sinon rien !
Dans la vie, il y a les sages, les rationnels… et les tarallali. Ce joli mot chantant, souvent accompagné d’un geste circulaire du doigt près de la tempe, désigne la personne légèrement — disons-le gentiment — dérangée.
Mais attention, pas folle dangereuse ! Non, juste celle qui agit sans logique, rit trop fort ou s’emballe pour des idées un peu perchées. On peut même dire d’une situation absurde : “El-wad’a tarallali”.
Bref, si l’on vous appelle ainsi, prenez-le comme un compliment : un soupçon de folie rend la vie bien plus savoureuse.
3. Loqtah — la perle rare !
Le mot “Loqtah” est réservé aux coups de chance et aux trésors inattendus. Vous avez trouvé une maison magnifique à prix dérisoire ? C’est une loqtah.
Vous avez déniché un mari parfait, poli, drôle et bien payé ? Félicitations, vous avez mis la main sur un “ariss loqtah” — un fiancé d’exception.
Ce mot est l’équivalent linguistique d’un feu d’artifice : il explose de satisfaction et de fierté.
Et les proverbes, dans tout ça ?
Ala singuete achara — tiré à quatre épingles
Quand quelqu’un sort dans une élégance digne des tapis rouges, on s’exclame : “Ala singuete achara !”
Traduction : impeccable, irréprochable, prêt à défiler sur les Champs-Élysées. C’est l’art de transformer le quotidien en podium.
Fanguel eïnou — les yeux en forme de tasse de thé
Vous avez déjà vu quelqu’un fixer quelque chose avec des yeux si ronds qu’ils semblent sortir de leur orbite ? Eh bien, en Égypte, on dit “fanguel eïnou”.
Le mot fanguel vient de « tasse de thé », et l’image est délicieuse : des yeux si grands qu’on pourrait y verser un peu de sucre.
Loqma fil zour — la bouchée qui ne passe pas
Ne vous y trompez pas : cette expression n’a rien à voir avec la digestion. “Loqma fil zour” — littéralement “bouchée coincée dans la gorge” — désigne quelque chose (ou quelqu’un) d’indigeste, que vous ne pouvez pas supporter, même avec la meilleure volonté du monde.
C’est l’ennui personnifié, la présence qui vous serre la gorge… sans prévenir.
Moralité : chacun son dictionnaire intérieur
Entre les tarallali lunaires, les machi ‘ala qéchr baïd impassibles et les loqtah chanceux, le monde devient une scène où chacun joue son rôle linguistique.
Alors, la prochaine fois qu’on vous observe d’un drôle d’air, souvenez-vous : dans la langue égyptienne, même la critique a le sens de l’humour — et souvent, un cœur grand comme ça.