Une simple vidéo de six minutes a suffi pour affoler le marché, mobiliser les réseaux et provoquer l’arrestation de deux youtubeurs. Entre analyses contestées, marques fragilisées et autorités sur la défensive, l’affaire remet en cause la crédibilité de toute une filière. Et révèle, surtout, un fossé grandissant entre institutions et citoyens.
Par : Hanaa Khachaba
Le jeudi 27 novembre 2025, deux créateurs de contenu égyptiens connus sous les noms de scène « ElAkelans » (Khaled Al Galad) et « Saltanji » (Abdelrahman Alkhouly) ont publié une courte vidéo (6 minutes) affirmant avoir réalisé des analyses sur des eaux minérales vendues en Egypte et insinuant que certains échantillons étaient contaminés (pollution fécale, anomalies microbiologiques).
Résultat : suspicion de contamination, débats enflammés… et une explosion de vues. En moins de 24 heures, les deux créateurs sont interpellés.

Sur les réseaux sociaux, un internaute résume : « En Egypte, si tu dis que l’eau n’a pas bon goût, on te demande la liste de tes diplômes. Si tu le dis devant une caméra, on t’arrête. »
Le ministère de la Santé dénonce immédiatement des tests « non conformes », en rappelant que les analyses doivent être réalisées dans des laboratoires accrédités, selon des protocoles stricts. Mais la manière de gérer l’affaire interroge. Selon un responsable du ministère de la Santé : « Il ne s’agit pas de restreindre la liberté d’expression, mais d’éviter l’alarme injustifiée. Certains résultats peuvent être faussés par des manipulations incorrectes, et le public doit recevoir une information vérifiée. »
Pour une partie de la population, l’argument tient. Pour une autre, l’arrestation ressemble davantage à une démonstration de force.
Un internaute écrit :« Pourquoi arrêter ceux qui posent des questions ? Analysez les bouteilles, publiez vos résultats, et tout le monde sera rassuré. »
Un toxicologue interrogé par un média local nuance :« Le problème n’est pas d’analyser l’eau. Tout citoyen a le droit de s’interroger. Le problème est de diffuser des résultats non reproductibles et présentés comme des vérités scientifiques. Mais l’arrestation est une réponse disproportionnée. »
Sur les réseaux, les critiques pleuvent. « Au lieu d’accuser les youtubeurs, analysez les bouteilles ! », écrit une consommatrice sur Facebook. Un autre ironise : « Les analyses ne sont pas fiables ? Très bien. Faites-en de fiables, alors. »
D’un débat sanitaire à une crise de confiance
Le cœur du scandale ne réside pas dans les analyses publiées, mais dans la réaction qu’elles ont provoquée. Les autorités assurent vouloir protéger les consommateurs contre de fausses alarmes. Les internautes, eux, y voient une volonté d’étouffer toute critique. Un analyste des médias résume : « Quand la parole officielle est en déficit de confiance, les influenceurs prennent la place. Et quand on tente de les faire taire, le public croit d’autant plus qu’ils ont raison. »
L’effet boomerang est réel. Plus l’affaire avance, plus la vidéo initiale gagne en crédibilité aux yeux de certains publics. Et par la suite, la Toile s’enflamme.
Le parallèle français : Quand la transparence calme la tempête
L’affaire trouve un écho direct dans un épisode survenu récemment en France : rappel de produits Nestlé pour bébés après détection de bactéries ou toxines.
Mais là-bas, le processus est clair : analyses officielles, communiqué transparent, rappel immédiat, enquête publique. Pas d’interpellation, pas d’opacité. Juste des faits, des numéros de lots, des dates, des étapes vérifiables.
Un expert français cité par la presse locale explique :« Le consommateur accepte une mauvaise nouvelle si elle est transparente. Ce qu’il ne supporte pas, c’est l’impression qu’on lui cache quelque chose. »
Tandis qu’en Egypte, cette affaire des deux youtubeurs a suscité un débat qui dépasse des bouteilles d’eau. Au fond, l’affaire révèle trois fractures. Primo, il s’agit de la fracture de la confiance. Les institutions peinent à convaincre. Les influenceurs occupent le terrain. Le consommateur ne sait plus à qui croire. Secundo, la fracture de la méthode. Entre analyses amateurs et protocoles officiels, personne n’explique clairement comment vérifier la qualité d’un produit. Tertio, la fracture de la parole. Quand la critique devient risquée, le doute devient automatique. Un internaute résume avec une formule qui circule largement :« Si l’Etat parlait plus, les rumeurs parleraient moins.»

Comment vérifier la qualité de l’eau minérale ? (Conseils pratiques)
1. Vérifier la traçabilité : Numéro de lot, date de production, usine d’embouteillage, mention « analysée et conforme à la norme XXX ». Une eau fiable s’accompagne toujours d’une traçabilité claire.
2. Observer la bouteille : Turbidité, particules, changement d’odeur (anomalie), bouteille déformée (possible exposition à la chaleur), bouchon non parfaitement scellé (à éviter).
3. Lire l’étiquette avec attention : Taux de minéraux, résidus secs, mention « eau minérale naturelle » ou « eau de source » (ce n’est pas la même chose).
4. Faire analyser un échantillon… mais correctement. Si l’on souhaite vérifier une eau :prélever un échantillon non ouvert, le transporter à température contrôlée, l’envoyer dans un laboratoire accrédité ISO 17025, demander une analyse microbiologique (coliformes, E. coli, Pseudomonas, etc.) et physico-chimique.
5. Ne jamais généraliser un résultat isolé : Un seul test suspecté ≠ un lot entier contaminé. Les conclusions doivent être confirmées par un laboratoire certifié.





