Pandémie et guerre en Ukraine rebattent les cartes jusque dans la vie quotidienne des entreprises. Plus loin que la simple notion de profits ou de croissance, la RSE s’impose plus que jamais. Jean-Paul Betbeze explique pourquoi, dans le contexte actuel et à l’avenir, investisseurs et actionnaires vont privilégier de plus en plus ce nouveau paradigme.
Quelle question, au moment où on s’inquiète de récession ! Les entreprises ont une seule
mission, nous diront d’abord nombre d’investisseurs : le profit, qu’elles le distribuent en dividendes ou le gardent, pour investir en équipements ou encore pour acquérir un concurrent et s’étendre, avec plus de profits à la clef. Aujourd’hui plus que jamais. Oui bien sûr, mais ce n’est pas suffisant, ajouteront alors un nombre (croissant) d’autres investisseurs. L’entreprise s’inscrit dans la cité. Elle doit reprendre, sinon promouvoir, ses valeurs, qu’il s’agisse d’égalité hommes femmes, de formation permanente et maintenant, de plus en plus, d’écologie.
Mais ceci coûte, diront les premiers qui ajouteront que l’entreprise est sociale de fait, puisqu’elle emploie des salariés, les augmente, paye des impôts locaux et nationaux, tout en offrant des produits utiles. C’est vrai, mais ne suffit pas, ajouteront les seconds. Elle doit former constamment ses salariés, notamment ceux qui ont les plus bas salaires, s’occuper de leur bien-être et participer à l’amélioration de l’environnement.
Elle doit alors analyser la source de ce qu’elle produit, les matériaux utilisés par ses fournisseurs et les conditions de travail qu’ils offrent, en Inde ou au Pakistan, plus les moyens de transport utilisés pour acheminer leurs produits, tout ceci pour calculer aussi précisément que possible son « empreinte carbone », pour la réduire.
Mais c’est à l’Inde ou au Pakistan de s’en occuper ! Dans son célèbre article du 13 septembre 1970, dans le New York Times, Milton Friedman étrille «les hommes d’entreprise qui parlent éloquemment de la “responsabilité sociale de l’entreprise”». Ceci lui rappelle ce Français qui parlait en prose sans le savoir : le Bourgeois gentilhomme, qu’il ne cite pas. Pour lui, «que l’entreprise ait une “conscience sociale” et prenne sérieusement ses responsabilités d’offrir de l’emploi, d’éliminer la discrimination, d’éviter la pollution et tout ce que l’on voudra dans la moisson actuelle des réformateurs… est prêcher du pur socialisme ».
Il poursuit : «Seules les personnes peuvent avoir des responsabilités… mais une entreprise est une personne artificielle qui ne peut avoir de responsabilités.»