A cause du réchauffement climatique, le pays affronte désormais une sécheresse chronique depuis presque quatre ans. Au-delà des conséquences négatives de cette sécheresse, la diminution du niveau des lacs et des cours d’eau a permis la découverte de milliards de gisements archéologiques.
Les épisodes de pluie s’amenuisent, les nappes phréatiques se vident, l’eau au robinet vient à manquer : en Espagne, pas de doute, la sécheresse est bien là, peut-on lire sur Les Echos par Marion Torquebiau.
Dès le mois d’avril, le pays était confronté à une vague de chaleur précoce avec 40 degrés à l’ombre dans certaines régions, conséquence du réchauffement climatique. Selon l’ONU, 74 % du territoire espagnol serait en danger de désertification, avec des risques élevés pour l’agriculture et la gestion de l’eau potable. Vidant les lacs, les rivières et les marais, cette sécheresse aurait tout de même un effet positif : elle laisse peu à peu se découvrir d’immenses gisements archéologiques, relate « El Pais ».
Selon le quotidien espagnol, les trois dernières années de sécheresse ont fait apparaître plus de 1.700 sites d’intérêts historiques, estime le ministère de la Culture. Parmi ces sites, des champs de dolmens celtes ou encore des camps militaires datant de l’époque romaine. C’est en 2019 que la première découverte de ce genre a été révélée en Estrémadure, non loin de la frontière avec le Portugal. Avec la sécheresse, les ruines romaines d’Augustóbrigas se laissent peu à peu observer à mesure que la retenue d’eau de Valdecañas se vide.
Sites vieux de 5.000 ans
Du même lac, un autre site bien plus ancien est sorti des tréfonds vaseux, les dolmens de Guadalperal, vieux de plus de 5.000 ans. « Cette partie de l’Estrémadure a été une zone de passage et de peuplement pendant de nombreux siècles pour de nombreuses cultures », explique Mimí Bueno Ramírez, professeur de préhistoire. « Cela nous a permis d’y localiser 200 sites de toutes les époques, y compris des monuments mégalithiques, des établissements néolithiques et chalcolithiques, des menhirs, ainsi que des éléments du paléolithique, de la préhistoire récente et de l’âge de fer. »
Au-delà du vidage des retenues d’eau, certains sites archéologiques ont été découverts dans des champs grâce à une croissance différentielle de végétaux provoquée par un manque de précipitations. Dans les zones profondes où l’humidité est mieux conservée, les plantes ont une couleur verte, alors qu’elles sont brunes dans les sols peu épais comportant des structures en pierres près de la surface, explique « El País ». Une observation qui a permis de découvrir des vestiges à Dessobriga, ancienne cité celte proche de Burgos. Un protocole est d’ailleurs en cours de rédaction par les autorités pour organiser la marche à suivre en cas de découverte de gisements. Selon ce plan, les vestiges archéologiques doivent être consolidés sur place, tandis que les objets trouvés sont restaurés puis transportés dans des musées. Le texte devrait voir le jour en décembre 2023.
Crainte de pillages
Des sites dont, pour la plupart, l’existence était ignorée jusque-là. N’étant pas référencées dans les bases historiques, leur découverte fait parfois craindre des vols et des destructions. Une peur confirmée par Angel Villa, coordinateur du Plan national d’archéologie : « Lorsque nous sommes arrivés à la retenue d’Iznájar [entre Cordoue, Malaga et Grenade], des apprentis détectives avaient déjà pillé le site. Et cela alors que personne ne connaissait son existence. » Il s’agit donc d’une véritable course contre la montre entre archéologues et civils pour repérer ces gisements et éviter qu’ils ne soient endommagés.