Avant de se traduire par une hausse des prix, l’inflation est avant tout une dépréciation de la valeur d’une monnaie. Il est effectif que la masse monétaire globale de la zone euro a augmenté entre 2020 et 2022 plus rapidement que durant les périodes précédentes.
Pour autant, afin de comprendre la déroute inflationniste contre laquelle nous luttons, il convient de s’interroger à propos des mécanismes de création de la monnaie, plus qu’au simple sujet de l’impression et du volume monétaire. C’est l’addition de coûts de production élevés et d’une quantité modérée de monnaie en circulation dans l’économie réelle qui est principalement à l’origine de la situation inflationniste actuelle.
Entre 2009 et 2015, l’augmentation du volume monétaire de la zone euro fut très faible. Cette politique restrictive faisait suite à la crise des dettes souveraines et à la crise grecque, qui avaient induit un climat de frilosité considérable au sein de l’eurozone.
Précédemment, entre 2000 et 2009, l’impression monétaire avait été relativement abondante et opérée d’une façon conventionnelle. C’est-à-dire, majoritairement par le biais de l’émission de crédits accordés par des organismes bancaires, et non en appliquant une politique d’assouplissement quantitatif.
Suffisamment de liquidité
L’importance de ce dernier point réside dans le fait qu’en France, la première moitié de la décennie 2010 n’a pas été marquée par des phases significatives d’inflation – notamment parce que pendant la décennie précédente, nombre de particuliers, ainsi que de petites et moyennes entreprises et d’entreprises de taille intermédiaire s’étaient vus attribuer des prêts bancaires.
Il y avait donc suffisamment de monnaie en circulation dans l’économie réelle afin de permettre aux échanges intérieurs de se dérouler à un rythme régulier. Les entreprises disposaient de suffisamment de liquidité pour innover, ainsi que pour générer des biens ou des services à des coûts mutualisés grâce à une activité qui se portait convenablement.
Pendant la période allant de 2004 à 2021, que la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne (BCE) soit tour à tour expansionniste ou restrictive, l’inflation en France se situait toujours aux alentours de 1 à 2 % – avec un pic haut la faisant se hisser à 2,8 % en 2008, et un taux au plus bas la faisant chuter à zéro en 2015.
Il faut conclure de cette démonstration qu’une phase caractéristique d’augmentation du volume monétaire ne dirige pas nécessairement vers une période d’inflation aiguë, pourvu que la configuration qui préside à cette impression de liquidité soit propice à alimenter l’économie à l’intérieur même de la zone monétaire.
Assouplissement quantitatif
À partir de 2022, l’inflation en France est brusquement montée – passant de 1,6 % où elle se situait en 2021, à 5,2 % en seulement une année. Aujourd’hui, elle semble être difficile à juguler, et la BCE a récemment fait savoir qu’il serait envisageable de remonter la progression normale de l’inflation à ce jour fixée à 2 %, plutôt vers l’ordre de 4 %.
Le passé, qui nous a démontré qu’il était compliqué de favoriser l’accumulation de stocks d’épargne productive avec un taux d’inflation dépassant 3 %, nous a également prouvé que les démocraties libérales prospères étaient constituées, avec différents niveaux, d’un grand nombre de citoyens disposant de réserves d’épargne solides.
L’inflation qui s’est répandue dans la zone euro ces derniers mois résulte partiellement des politiques d’assouplissement quantitatif, menées massivement par la Banque centrale européenne à partir de 2015, en premier lieu sous l’égide de Mario Draghi. Une période de création monétaire par assouplissement quantitatif se clôture systématiquement par une hausse laborieusement contrôlable des prix, car elle correspond à un laps de temps lors duquel le volume monétaire augmente, sans que, dans l’intervalle, l’économie réelle en soit directement favorisée.
Étouffement de l’économie
Concernant la zone euro, il est probable que l’inflation résiste durablement à la hausse des taux directeurs de la BCE. Aujourd’hui, le grand danger est qu’interviennent seulement des baisses de prix sur des marchés spécifiques, causées principalement par un étouffement de l’économie. Certains biens immobiliers, principalement ceux dont la valeur repose sur une forte rentabilité locative qui risque d’être dépréciée par une multiplicité croissante de défauts de paiement, verront par exemple leur valeur baisser.