


Par-delà les murs du Palais de la culture de Damanhour, un souffle artistique parcourt les galeries, un murmure d’âmes féminines qui se racontent. Le 28 juillet dernier, dans le cadre des expositions itinérantes initiées par l’Organisme général des palais de la culture, s’est ouvert le très singulier et profond salon d’art plastique intitulé « Expérience personnelle ». Ce projet, placé sous la houlette du général Khaled El-Labban et orchestré par le ministère de la Culture, vise à dynamiser la scène artistique dans les régions, loin de la centralisation des grandes métropoles.
Le vernissage a réuni un public sensible et curieux : des figures du monde de l’art, des enseignants d’université, des journalistes et des passionnés. Parmi les invités, on notait la présence de Mohamed El-Bassiouny, directeur de la Culture à Beheira, du professeur Adel Mostafa (Université d’Alexandrie) et de l’artiste plasticien Emad Keshk. Mais ce sont surtout cinq femmes, cinq créatrices, qui ont livré un pan de leur intériorité à travers vingt-quatre œuvres puissamment personnelles, tant par la forme que par le fond.
Quand l’art devient langage de soi
Amira El-Hindoum, professeure d’art à l’Université d’Alexandrie, explore la mémoire et l’identité féminine en conjuguant peinture et matériaux mixtes. Dans sa première toile, une femme ailée incarne les déséquilibres de la vie quotidienne, déchirée entre responsabilités familiales et pressions sociales. Plus loin, deux œuvres intitulées Hanin (Nostalgie) juxtaposent acryliques, bois et papiers journaux pour réanimer les souvenirs, dans une tentative délicate de capturer la chaleur perdue du passé. Sa dernière composition, triptyque marin aux textures audacieuses, plonge dans l’univers visuel de la mer, mémoire liquide du subconscient.
Sara Abdelkader, quant à elle, scrute les méandres de l’angoisse féminine. À travers six toiles traitant de la phobie, elle dissèque l’âme, couche après couche, dans une quête de libération intime et d’affirmation de soi. Son approche, résolument introspective, donne au malaise des visages et au silence des couleurs.
Symbolisme et révolte douce
Avec Wafaa Zaghloul, l’art devient récit. Ses sept toiles, inspirées de la surréalité, oscillent entre rêve et lutte. Une fille en robe blanche, figée dans une forêt obscure avec un cheval immaculé, raconte la solitude. Une carte de Palestine, un enfant-statue brisé et des pierres fleuries deviennent métaphores de la résistance et de l’espoir. Une autre œuvre, Quand le désert devient verger, invoque la culture, le voyage et la femme comme source de vie. Ses tableaux déroulent des mondes parallèles où l’Afrique ruisselle, où la mer danse, et où la mort cohabite avec la promesse d’un renouveau.
Entre ornement et artisanat sacré
Mona El-Qamah apporte au tableau collectif une touche de folklore réinventé. Ses compositions, empruntes de motifs traditionnels, revisitent le patrimoine populaire égyptien dans une veine postmoderne, où se rencontrent teintes chaudes et froides, ancien et nouveau, mémoire et actualité.
Enfin, Dina Rahouma, spécialiste des techniques manuelles, use de matériaux inattendus – cuir, fils, textures – pour créer des figures hybrides. Le paon flamboyant y croise la chouette mystérieuse. Beauté ostentatoire et regard obscur se confrontent, s’entrelacent. Dans ses œuvres, la main de l’artisan devient celle d’une prêtresse qui tisse des récits anciens dans une langue nouvelle.
Un hommage aux voix intérieures
Clôturée par une cérémonie de remise de certificats honorifiques aux artistes, l’exposition « Expérience personnelle » ne se veut pas seulement un événement plastique. Elle est un manifeste, un cri doux et nuancé lancé depuis les profondeurs féminines vers la lumière collective. Chacune des œuvres, chacun des regards posés sur le mur, était un fragment d’histoire. Ensemble, elles tissaient un chœur discret mais bouleversant sur l’intimité, l’appartenance et la résilience.
Portée par la direction des arts plastiques dirigée par Vivian El-Betanouny, en partenariat avec la région culturelle de l’ouest et du centre, cette exposition se poursuit jusqu’à la fin du mois. Et laisse derrière elle, à Damanhour, l’empreinte d’un art sincère, humble et nécessaire.