La gentillesse n’est pas une faiblesse en soi, mais elle le devient quand elle est excessive.Elle est souvent perçue comme une vertu inébranlable, un pilier de la compassion et de l’humanité qui unit les individus et renforce les communautés. Pourtant, comme toute qualité, elle peut devenir une faille lorsqu’elle est exercée sans discernement ni limites. Cela dit, la gentillesse ne relève donc ni de la mollesse ni de l’impuissance, mais elle rend la personne vulnérable quand elle est sans limites. Débat.
Par : Hanaa Khachaba
Le problème ne vient pas de la gentillesse en soi. Il vient de ce que l’on y attache : la peur du conflit, le besoin d’être aimé, la volonté d’éviter les tensions. Par désir de bien faire, certaines personnes très gentilles développent une forme d’oubli de soi. Elles disent « oui » trop vite, elles prennent sur elles, elles pardonnent tout, elles justifient les comportements des autres — au point de s’épuiser.

Et dans ce déséquilibre, certains — pas tous, mais certains — prennent l’espace qu’on leur laisse. Ce n’est pas forcément par méchanceté. Parfois, c’est juste que l’autre s’adapte à ce qu’on lui permet. Si vous ne posez pas de limites, vous envoyez, sans le vouloir, le signal que tout est permis. Et alors, la gentillesse n’est plus perçue comme une qualité, mais comme une faille exploitable.
Etre gentil… mais avec boussole
Il ne s’agit donc pas de devenir dur, méfiant ou distant. Il s’agit d’apprendre à conjuguer gentillesse et affirmation de soi. Dire « non » sans se sentir coupable. Exprimer ses besoins sans craindre de déranger, défendre ses valeurs sans hausser le ton, se respecter, en somme, pour pouvoir respecter les autres pleinement, sont trois conseils incontournables.
Car poser des limites, ce n’est pas rejeter l’autre. C’est définir ce que vous acceptez. C’est protéger votre énergie, votre temps, votre dignité. Et ceux qui tiennent à vous ne vous aimeront pas moins pour cela. Au contraire, ils vous aimeront plus sincèrement, parce qu’ils sauront qu’ils ont affaire à quelqu’un qui sait aussi s’aimer lui-même.
Un monde qui valorise l’assurance, pas seulement la douceur
Le monde actuel valorise la performance, l’assurance, parfois même la domination. Dans ce cadre, la gentillesse peut apparaître comme un désavantage, notamment dans les environnements professionnels ou sociaux compétitifs. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut s’endurcir ou se transformer.
Cela veut dire qu’il faut redéfinir la gentillesse comme une posture intérieure forte, et non comme une attitude passive. Être gentil, ce n’est pas fuir l’affrontement, c’est choisir une autre voie : celle du respect réciproque, du dialogue, de la fermeté calme.
Se traiter soi-même avec la même douceur que l’on offre aux autres
On parle souvent de « gentillesse envers les autres ». On parle moins de gentillesse envers soi-même. Or, les deux vont de pair. Vous pouvez aider les autres, mais pas au point de vous oublier. Vous pouvez être à l’écoute, mais pas jusqu’à étouffer vos propres besoins. Se traiter avec bienveillance, c’est aussi savoir s’arrêter, dire non, ou se protéger.
Bref, être gentil, ce n’est pas être faible. C’est être humain. Mais la gentillesse ne doit pas devenir une monnaie qu’on distribue sans retour, ni une façade qui cache un abandon de soi.

La clé est là : ne renoncez pas à votre gentillesse. Renoncez seulement à l’idée que vous devez tout accepter pour la conserver. Car ce n’est pas en devenant dur qu’on est respecté, c’est en étant entier. Et parfois, la plus grande marque de gentillesse que l’on peut offrir au monde, c’est d’apprendre à se faire respecter, pour mieux respecter l’autre.