L’ambassadeur de France en Egypte, S.E. Eric Chevallier a qualifié de “denses, profondes et remarquablement fortes”, les relations entre les deux pays. La culture, l’art, le cinéma et le sport sont des dimensions qui tissent au quotidien les relations entre les deux peuples. Si la France célèbre sa fête nationale ce 14 Juillet 2024, c’est également une année importante marquant le centenaire de la présence diplomatique égyptienne en France. Interview enrichissante.
Par Mohamed El-Sayed El-Azzawy
L’ambassadeur de France au Caire, Eric Chevallier, s’épanche au Progrès Egyptien :
• Tous les domaines de coopération franco-égyptienne sont majeurs et prioritaires
• Je crois à la très grande qualité du capital humain en Egypte
• L’enseignement supérieur et la recherche sont un domaine stratégique de coopération avec l’Egypte
• Le Progrès Egyptien : Si nous commençons par l’actualité, après votre réunion avec le ministre de l’Enseignement supérieur, quels sont les détails et si nous pouvons le dire, les décisions prises à l’issue de cette rencontre?
• • Eric Chevallier : Pour moi, c’est une réunion très importante et surtout très déterminante, parce que nous voulons faire de la coopération universitaire et scientifique, l’une des priorités des relations entre nos deux pays. Cette réunion, qui a rassemblé de nombreux recteurs et doyens d’universités, sous la présidence du ministre, Dr Ayman Achour, a débouché sur de plusieurs initiatives très importantes. L’une d’elles- est relative aux assises que nous allons organiser dans quelques mois, sur la coopération bilatérale en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Nous allons organiser la visite de plusieurs présidents(es) d’universités françaises, qui se rendront en Egypte- pour rencontrer leurs homologues égyptiens, ce qui permettra de créer de nouveaux liens et de nouveaux partenariats pour développer les filières et des diplômes communs. Aussi, y aura-t-il des partenariats pour l’installation d’universités françaises ici en Egypte.
Il s’agit également de favoriser la mobilité des étudiants(es). En parallèle, nous avons annoncé le financement par la France et l’Egypte des bourses pour doctorants(es). Ces derniers pourront aller en France, pour préparer leurs thèses. Il y aura des bourses de trois ans dans les meilleures universités françaises. Je crois personnellement à la très grande qualité du capital humain en Egypte. L’Egypte est un pays dont la jeunesse a un très grand potentiel.
• PE : Si nous évoquons le “Soft Power”, et cette coopération entre l’Opéra du Caire et celui de Paris, et à la lumière des célébrations du centenaire de la représentation diplomatique égyptienne en France, quelles sont les perspectives de la coopération à ce niveau?
• • E CH. : C’est là aussi un des points importants dont j’aimerais parler. Pour que les relations soient fortes, non seulement au niveau officiel entre les gouvernements, mais aussi entre les deux peuples, j’estime que l’enseignement supérieur, la recherche et la culture, sont des éléments forts d’union entre les peuples. Cette question fait partie des sujets que je voudrais développer.
L’Institut français en Egypte, qui a son antenne principale au Caire et une autre à Alexandrie- mène et organise près de 250 événements et des activités nombreuses en matière de cinéma, de peinture, de musique, etc. Le cinéma me paraît être un sujet important dans les deux pays et j’aimerais qu’on travaille plus dans ce domaine. Je suis très heureux que, récemment, un film égyptien “Les Filles du Nil”, ait obtenu un prix au Festival de Cannes. C’est un film égyptien qui a été développé en coopération avec la France. C’est pour moi un symbole que la création contemporaine entre les deux pays, peut produire un travail formidable. J’en ai beaucoup parlé avec l’actrice Yousra, qui est très attachée à ce sujet également, et aussi avec Marianne Khoury, qui est très engagée dans le cinéma. Nous allons essayer, avec elle, de développer des liens dans le soutien à la production cinématographique et dans la réalisation pour aider les jeunes cinéastes égyptiens. La musique, l’art vivant, le théâtre et l’opéra, sont également des domaines cruciaux. J’aimerais que nous puissions travailler davantage avec Farah Al-Dibany et avec d’autres personnalités éminentes qui incarnent la modernité des relations entre les deux pays. C’est là un sujet majeur et c’est une occasion de faire un travail qui dépasse le cadre des relations bilatérales. Par exemple, je suis très fier qu’on ait organisé une exposition de deux jours, à l’Institut français, sous le titre : “Ici la Palestine”, en liaison avec nos collègues de l’ambassade de Palestine au Caire. Nous avons permis aux artistes palestiniens et notamment ceux de Gaza, de rappeler au monde que les Palestiniens étaient un grand peuple de culture. Les artistes ont montré qu’ils avaient l’énergie, malgré toutes les souffrances endurées, de tenir ce concert. Même dans les moments les plus difficiles, il faut garder espoir. En matière de photographie, nous avons récemment organisé une exposition autour des femmes et du football. J’aimerais que nous puissions continuer à être actif dans ce domaine.
• La culture est l’un des éléments forts d’union entre les peuples français et égyptien
• Le cinéma, la musique, l’opéra et l’art incarnent la modernité des relations entre l’Egypte et la France
• La passion archéologique française et égyptienne est historique et reste d’actualité grâce aux multiples coopérations existantes
• Il y a une volonté française et européenne d’investir en Egypte
• PE : Au sujet de la jeunesse, que pensez-vous faire au niveau de la coopération entre l’Egypte et la France, dans ce domaine?
• • E CH. : Nous travaillons beaucoup à ce sujet. Nous voulons favoriser la mobilité des jeunes et des étudiants. Récemment, nous avons permis à six jeunes artistes de partir dans les résidences d’artistes en France pour plusieurs mois (de 3 à 6 mois) et ils ont été reçus ici à l’ambassade avant leur départ. Ils étaient très enthousiastes à l’idée de partir à la rencontre de leurs homologues en France. C’est une étape importante dans l’épanouissement des artistes. Cela contribue au “Soft power” dont vous avez parlé.
• PE : Quand on parle de relations et de coopération entre l’Egypte et la France, il faut forcément évoquer le domaine archéologique. Quels sont les projets futurs à ce niveau?
• • E CH. : C’est évidemment l’un des sujets qui expliquent la passion française pour l’Egypte et, réciproquement, la passion égyptienne pour la France. L’Egyptologie et l’archéologie sont des domaines de coopération historique et qui sont également d’actualité. Nous sommes le pays qui a le plus de missions archéologiques et de partenariats dans ce domaine. Nous avons plus d’une cinquantaine d’équipes qui travaillent avec le Conseil Supérieur des Antiquités. Plus de 600 personnes travaillent dans la fouille et la recherche. Nous avons également trois institutions éminentes et extraordinaires : l’IFAO, avec une équipe de très haut niveau, et dont les recherches et découvertes sont d’une grande importance, dont la découverte de papyrus qui constitue un apport historique majeur. Il y a aussi le Centre franco-égyptien d’études des temples de Karnak, avec une équipe composée d’Egyptiens et de Français, à qui nous allons permettre d’aménager un musée ouvert à Karnak, avec le soutien des autorités égyptiennes. En plus, nous avons le CEAlex, qui est le centre d’études alexandrines avec une équipe éminente. Nous sommes aussi partenaires du Grand Musée du Caire, puisque nous contribuons au développement de la Bibliothèque.
• PE : En ce qui concerne les relations économiques et commerciales entre l’Egypte et la France, pensez-vous que la nouvelle loi sur l’investissement est suffisante pour encourager les investisseurs français et étrangers à investir davantage en Egypte?
• • E CH. : C’est un sujet très actuel, puisque récemment, il y a eu la Conférence Egypte-UE sur l’investissement. La France a été le pays avec la plus importante participation parmi les partenaires européens en Egypte. Il y avait plus de 60 représentants d’entreprises françaises, souvent au niveau des chefs d’entreprise. C’était un moment important pour montrer qu’il y a en Europe, et notamment en France, une volonté d’investir en Egypte. Cela tient à deux raisons principales : d’abord l’Egypte a le potentiel pour être une terre d’investissements. Ensuite, l’Egypte apparaît comme un pont vers le Moyen-Orient, la région arabe et l’Afrique. Il y a déjà de nombreuses entreprises qui opèrent et investissent en Egypte. Il y en a des centaines d’autres qui échangent avec l’Egypte. Dans les rencontres avec les acteurs économiques français, je suis frappé de voir autant d’entreprises qui aspirent à investir en Egypte. Celles qui ont déjà une activité dans le pays veulent la renforcer. Au total, les entreprises françaises représentent 50 mille emplois directs en Egypte et souvent beaucoup plus d’emplois indirects. En tant qu’ambassadeur de France au Caire et avec M. Alaa Youssef, ambassadeur d’Egypte à Paris, nous travaillons énormément pour développer ces investissement. Je suis heureux de voir que des entreprises françaises s’engagent dans des secteurs d’avenir, comme les nouvelles technologies, la recherche et le développement, les transports, les énergies renouvelables, la santé et d’autres.
• L’Egypte a le potentiel pour être une terre d’investissements
• L’Egypte est un pont vers le Moyen-Orient, la région arabe et l’Afrique
• Nous travaillons à déployer les investissements français en Egypte dans les domaines d’avenir
• Un dispositif consulaire important a été établi pour assurer le voyage des sportifs égyptiens pour les JOP dans les meilleures conditions
• PE : Le domaine du sport… vous êtes un grand fan de foot… pouvez-vous nous parler des facilités entre les deux pays pour les voyages des sportifs, notamment avec l’organisation des Jeux Olympiques de Paris ?
• • E CH. : Dans les prochains jours, la France accueille les Jeux Olympiques et les Paralympiques. C’est un événement d’une grande importance, cent ans après les Jeux Olympiques d’été en 1924 qui s’étaient tenus à Paris. Nous voulons donc que les JOP 2024 incarnent les valeurs du sport : la solidarité, l’esprit collectif
et l’effort commun. Je suis heureux que pour la première fois dans l’histoire, ces jeux soient paritaires. C’est un message majeur. Les épreuves sportives auront lieu dans des sites historiques et des lieux symboliques, au château de Versailles, sous les pieds de la Tour Eiffel, au Grand Palais, etc. La cérémonie d’ouverture aura lieu sur la Seine. En matière d’amitié franco-égyptienne, je me permet de souligner que la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques aura lieu sur la Place de la Concorde, où il y a l’obélisque égyptien. Le monde entier verra un très grand et beau symbole de l’amitié entre la France et l’Egypte. J’ai eu plusieurs rencontres avec le ministre du Sport et plusieurs hauts représentants sportifs, notamment les présidents des Comités olympique et paralympique, pour faire le maximum afin que les délégations égyptiennes puissent voyager dans les meilleures conditions. L’Egypte enverra d’ailleurs à Paris, la plus grande délégation de son histoire.
• PE : Si vous voulez arranger vos priorités concernant l’Egypte, par quel sujet ou quel domaine allez-vous commencer ?
• • E CH. : C’est très difficile de privilégier un seul sujet. Je crois justement que la profondeur et la densité des relations entre nos deux pays et nos deux peuples, nous poussent à investir tous les domaines. En plus des grands sujets de politique, de diplomatie et de sécurité, il y a également, la culture, l’économie, etc. La signature par les chefs d’Etat égyptien, français et jordanien, d’une tribune conjointe sur la question de Gaza, montre la convergence de vue entre nos pays. En ce qui concerne l’économie, nous croyons beaucoup à l’importance de la stabilité et de la prospérité de l’Egypte. Il y a également tous les sujets qui tissent au quotidien la relation entre nos peuples : la culture, l’art, le sport et aussi la francophonie.
• Le sport pour moi, ce sont des valeurs de partage et d’effort
• Nous croyons à tout ce qui tisse au quotidien la relation entre les deux peuples et notamment la francophonie
Discours de M. l’ambassadeur à l’occasion du 14 Juillet
Nous allons fêter le 14 Juillet, fête nationale française, pour célébrer les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Je suis ravi – en tant que nouvel ambassadeur de France en Egypte – de célébrer la Fête nationale ici au Caire, parce que je suis très attaché à développer cette relation entre les deux pays. C’est en fait une relation excellente au niveau de l’Etat, aussi bien que très profonde et ancrée entre les deux peuples. C’est donc cette multiplicité, cette richesse, cette densité des relations entre nos deux peuples, égyptien et français, dans tous les domaines, que j’aimerais bien célébrer.