L’Égypte peut-elle jouer un rôle dans l’approvisionnement énergétique de l’UE?
L’UE, qui fait face à des crises simultanées concernant ses importations en gaz, cherche à diversifier ses fournisseurs. L’Égypte présente à ce propos certains atouts. Sont-ils suffisants pour constituer une alternative durable ?
Pourtant, la demande de l’Union européenne est forte, de même que sa volonté de diversifier ses fournisseurs. En effet, trois pays assurent près de 80 % de ses besoins en gaz, ce qui constitue un risque économique, énergétique et politique considérable. Cette marge de manœuvre réduite s’est constatée au second semestre 2021 alors que les crises liées au gaz se multipliaient.
L’expérience égyptienne
Au-delà de ces réserves, l’atout égyptien réside dans son expérience de l’exploitation de ressources gazières ou pétrolières.
Luca Baccarini, chercheur associé à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste des articulations entre géopolitique et marchés de l’énergie, explique dans un entretien accordé à Middle East Eye que « l’existence d’un environnement réglementaire, politique et structurel [options d’exportation, moyens de transport…] déjà défini est un avantage déterminant dans la prise de décision finale d’investissement pour les entreprises internationales du secteur, qui ont besoin d’être rassurées sur les capacités de valorisation de la production sur les marchés ».
l’exploitation du gisement de Zohr a pu débuter en moins de trois ans. Une réactivité favorisée par la maturité égyptienne en matière de processus légaux et décisionnels, et de l’existence d’infrastructures stratégiques. En plus de l’Arab Gas Pipeline qui relie le pays à la Jordanie, la Syrie et le Liban, l’Égypte dispose d’unités de liquéfaction et d’exportation du gaz mises en place dans les années 2000, période durant laquelle l’Égypte avait fortement augmenté ses volumes de production (ils ont triplé entre 2001 et 2010). Le terminal de Damiette et celui d’Edkou, respectivement mis en service en 2004 et 2005, permettent l’exportation de gaz liquéfié par navires méthaniers.
L’Égypte n’est pas le premier pays à s’équiper de terminaux de liquéfaction mais elle est le seul à disposer de tels équipements en Méditerranée orientale.
Importatrice en 2023
Selon une note de la Direction générale du Trésor française, si l’Égypte était exportatrice de gaz naturel entre 2003 et 2014 et avait même atteint une balance excédentaire record en 2009 de 18,3 milliards de m3, elle est redevenue importatrice nette en 2015. Elle a même présenté une balance déficitaire de 8,2 milliards de m3 en 2016, soit un cinquième de sa production annuelle.
Grâce à l’exploitation des nouveaux gisements, l’Égypte est de nouveau exportatrice.
Toutefois, un rapport de l’Observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques piloté par l’IRIS (rapport commandé par la Direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des Armées, qui témoigne de l’intérêt des autorités françaises pour la question) estime qu’à défaut de nouvelles découvertes ou investissement, elle pourrait redevenir une importatrice nette en 2023.
L’Égypte doit faire face à sa croissance démographique alors que le gaz constitue une part importante de son mix énergétique. Le pays va atteindre les 105 millions d’habitants, contre 84 millions en 2011. Au même moment, la demande interne de gaz correspond à plus de 50% de la consommation totale d’énergie. La dépendance au gaz pour sa propre production énergétique, accentuée par des besoins croissants de la population, fait donc peser des incertitudes sur le potentiel à l’exportation de l’Égypte à moyen voire à court terme.
Zohr, le plus grand gisement offshore en Méditerranée
La France a par exemple décidé de bloquer les prix du gaz jusqu’en avril et d’octroyer une aide à six millions de ménages, pour un coût total de 5,6 milliards d’euros. L’Espagne ou l’Italie ont mis en place des mécanismes similaires, principalement par aménagements fiscaux.
L’Égypte, comme d’autres pays de la Méditerranée orientale, suscite à ce sujet un intérêt renforcé par la découverte du gisement Zohr en 2015 par le major de l’énergie italien Eni, qui le qualifiait de « plus grand gisement offshore de gaz naturel en Méditerranée », étant évalué à près de 850 milliards de m3.
Sa mise en exploitation en 2017 a permis à l’Égypte de redevenir autosuffisante en gaz en 2018 et exportatrice nette de gaz en 2019.
Cette réussite a contribué à la relance les activités d’exploration. Par exemple, en 2019, Eni communiquait à propos du nouveau gisement de gaz naturel Noor à environ 50 km au nord de la péninsule du Sinaï.
En juillet 2020, Total, BP et Eni annonçaient la découverte au large des côtes égyptiennes d’un gisement de gaz dans la concession de North El Hammad. En septembre de la même année, Eni et BP faisaient état du gisement Baltim South West dans les eaux conventionnelles du delta du Nil, confirmant selon ces entreprises le potentiel du champ Nooros, découvert en 2015 et désormais estimé entre 70 et 80 milliards de mètres cubes.
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