Il était une fois, au fond d’un congélateur ronronnant, une petite glace aux fruits rouges. On l’avait moulée dans un bâtonnet comme toutes les autres, figée, prisonnière de sa coque de froid. Mais au plus profond d’elle-même, elle bouillonnait d’un étrange refus.
— Je ne veux pas être une glace dure et cassante, se disait-elle. Mais je ne veux pas non plus me liquéfier en simple jus sans consistance…
Alors, chaque nuit, quand le congélateur soupirait, la petite glace se débattait contre sa peau givrée. Elle craquait, se fendillait, suintait quelques gouttes, puis se reprenait, décidée à ne jamais choisir l’un ou l’autre destin. Elle résistait à la rigidité glaciale comme à l’abandon fondu.
Un matin d’été, quand la porte s’ouvrit, la petite glace était transformée. Elle n’était plus tout à fait solide, ni tout à fait liquide. Elle avait inventé son propre état, entre fraîcheur et douceur. On la goûta, et une surprise délicieuse éclata dans les papilles : veloutée, parfumée, légère…
Ce n’était plus une glace ordinaire. Ce n’était pas un jus banal.
Par sa rébellion, elle avait trouvé sa vérité : elle était devenue le meilleur des sorbets.
Et tous ceux qui la savourèrent comprirent que parfois, refuser les cases toutes faites ouvre la voie à une saveur nouvelle, unique et inoubliable.