Il était une fois, dans un royaume caché par les montagnes de brume, une princesse nommée Éliane. Douce, généreuse, et toujours prête à tendre la main, elle avait conquis le cœur de son peuple. Mais sa bonté, pure et sans défense, éveilla la jalousie dans cinq femmes de la cour.
Il y avait Morgane, la stratège silencieuse, Liora, la charmeuse au sourire double, Ysilde, l’herboriste aux potions amères, Caldra, la dame des récits empoisonnés, et Thélène, l’ancienne prétendante au trône. Ensemble, elles formaient Le Cercle de l’Ombre, un pacte secret né de l’envie et de l’ambition.
— « Cette petite sainte nous fait toutes passer pour des ombres », grogna Caldra.
— « Il est temps que la lumière se voile », susurra Morgane.
Elles mirent en place un plan cruel. Elles offrirent à Éliane une serre enchantée, pleine de fleurs rares, en guise de cadeau d’alliance. La princesse, ravie, s’y rendit chaque jour. Mais ce jardin était ensorcelé : chaque respiration affaiblissait sa mémoire, chaque pétale volait un fragment de son intuition.
Petit à petit, la princesse devint rêveuse, distraite, oubliant les noms, les visages… et les dangers.
Mais la gentillesse vraie est une force que rien ne dissout. Les enfants du palais, qu’elle avait toujours traités comme des siens, remarquèrent son changement. Un soir, la petite Mina, à peine haute comme trois pommes, l’entendit murmurer au jardin :
— « Pourquoi ai-je l’impression de me perdre dans les fleurs que j’aime ? »
Mina courut chercher l’ancien mage du royaume, banni autrefois mais resté loyal à la bonté. Il revint, invisible, et examina la serre.
— « Ce jardin boit la lumière de son cœur », dit-il. « Mais elle n’a pas encore disparu. »
Alors, les enfants se mirent à planter autour de la serre des fleurs que la princesse avait semées avec eux : coquelicots, lavandes, pivoines… Leur parfum vrai repoussa l’enchantement.
Un matin, Éliane se réveilla et se souvint de tout. Elle convoqua les cinq femmes. Elles tentèrent de nier, de séduire, de pleurer. Mais la princesse les regarda avec douceur.
— « Je ne vous punirai pas comme vous l’avez fait. Je vous laisse à vous-mêmes. Que la solitude du cœur envieux soit votre châtiment. »
Bannies du palais, elles errèrent sans paix, incapables de se faire confiance entre elles. Le Cercle de l’Ombre se désagrégea comme une illusion.
Éliane, elle, fit du jardin ensorcelé un lieu de sagesse : les jeunes y apprenaient à cultiver la prudence comme on cultive la beauté.
Et le peuple n’oublia jamais que si la gentillesse semble naïve, elle est, au fond, plus forte que toutes les intrigues.