Dans une vallée verdoyante vivait un petit groupe de fleurs qui poussaient côte à côte, se frôlant, se parlant, partageant leur eau et leurs ombres. Parmi elles, il y avait une jeune pousse de lys blanc. Curieuse, sensible, elle écoutait les rires des coquelicots, les soupirs des marguerites, mais souvent, elle sentait qu’elle n’avait pas la place pour grandir, comme si sa lumière était toujours partagée, et son parfum était trop subtil pour ce tumulte.
Un matin de printemps, une bourrasque descendit de la montagne. Elle déracina des branches, renversa quelques tiges, et sans vraiment le vouloir, emporta le petit lys dans les airs, jusqu’à une corniche solitaire, en haut d’une falaise, loin de la vallée et de ses bavardages.
Au début, le lys trembla. Il n’y avait personne. Pas un pétale autour, pas un murmure. Juste le vent, le silence, le ciel. Mais les jours passèrent, et le lys découvrit qu’il avait ici tout l’espace pour étirer ses feuilles, tout le soleil pour faire vibrer sa blancheur, toute la pluie pour s’abreuver sans se presser.
Peu à peu, il grandit, fort, éclatant, libre. Aucun voisin pour l’étouffer, aucune comparaison pour l’apeurer. Les oiseaux venaient lui chanter des chansons qu’il n’avait jamais entendues dans la vallée. Le vent lui racontait les histoires du monde. Et dans le silence, il entendait enfin sa propre voix.
Un jour, un papillon qui le connaissait avant le retrouva. Il s’émerveilla de sa beauté nouvelle, de sa grâce paisible. Il lui demanda :
— N’as-tu pas souffert, seul ici, loin des autres ?
Le lys sourit doucement.
— Ce n’est pas la solitude qui m’a protégé, c’est l’espace qu’elle m’a donné pour me rencontrer.
Et depuis, dans les hauteurs, un lys solitaire danse avec le vent. Il est seul, oui, mais jamais isolé. Car parfois, pour s’épanouir, il faut s’éloigner, non pour fuir les autres, mais pour mieux se trouver.