L’intelligence artificielle (IA) a pénétré de nombreux domaines, y compris celui de la santé. Son utilisation suscite à la fois enthousiasme et inquiétude. Qu’elle inquiète ou qu’elle fascine, elle est aujourd’hui de plus en plus présente. Et dans le domaine de la santé, son potentiel intéresse les chercheurs comme les professionnels de santé. Aide au diagnostic, au suivi des patients, à la prédiction… l’IA est un outil avec de nombreux points forts mais aussi avec certaines limites. Cet article explore les avantages et les inconvénients de l’intégration de l’IA dans le domaine de la santé, mettant en lumière les questions éthiques et les opportunités qu’elle présente.
Par Hanaa Khachaba
L’introduction de l’IA dans la santé a révolutionné la manière dont les diagnostics sont établis. Les algorithmes sophistiqués peuvent analyser des données complexes et repérer des schémas imperceptibles pour les médecins. Cela permet des diagnostics plus précis et rapides, sauvant ainsi des vies. De plus, l’IA optimise la gestion des dossiers médicaux et contribue à la recherche médicale, accélérant ainsi le développement de nouveaux traitements.

Cependant, l’utilisation généralisée de l’IA soulève des préoccupations éthiques. La confidentialité des données médicales, la responsabilité en cas d’erreur algorithmique et la perte de l’aspect humain dans les soins de santé sont des points de friction majeurs. De plus, l’accessibilité à ces technologies peut accroître les inégalités, laissant certaines populations sans accès à des soins de santé améliorés par l’IA.
Or, dans le domaine de la santé, les spécialistes sont unanimes : l’IA n’est pas près de remplacer le médecin.
L’IA appliquée à la médecine ne date pas d’hier. « C’est un champ d’étude qui a été étudié dès les années 1960, confirme Michel Dojat, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) au Grenoble institut neurosciences.
Au début, les premiers « systèmes experts » se sont appuyés sur la modélisation des connaissances médicales et des raisonnements des spécialistes pour aboutir à un diagnostic.
Plus récemment, ce sont les techniques d’apprentissage machine (machine learning) qui se sont développées grâce aux grandes quantités de données que nous avons accumulées avec l’informatisation (big data) et à l’augmentation de la puissance des ordinateurs.
Ces IA qui fonctionnent avec des réseaux de neurones de grande taille sont capables d’analyser statistiquement de grandes quantités de données pour extraire directement les informations utiles à la résolution d’une tâche donnée (deep learning).

Elles permettent par exemple de repérer des mélanomes sur des biopsies cutanées ou de quantifier des lésions liées à une sclérose en plaques sur une IRM cérébrale, lit-on sur essentiel-santé-magazine.fr.
Six domaines d’application
· L’aide à la décision (pour poser un diagnostic ou choisir la meilleure approche thérapeutique).
· La médecine prédictive (pour prédire l’apparition d’une pathologie ou son évolution).
· La prévention (pour améliorer la surveillance des effets secondaires d’un médicament ou pour anticiper une épidémie).
· La médecine de précision (pour personnaliser un protocole de soins pour un patient donné).
· La chirurgie assistée (pour aider le chirurgien à pratiquer une opération).
· Les robots compagnons (pour accompagner les personnes âgées, handicapées ou fragiles).
Guider la conception
et l’utilisation de l’IA
Face au recours croissant à l’IA dans le domaine de la santé, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est saisie du sujet et a publié un rapport en juin 2021 : Pour « atténuer les risques et maximiser les opportunités » et « garantir que le plein potentiel de l’IA en matière de soins de santé et de santé publique sera mis au service du bien de tous », elle a mis en avant six principes : protéger l’autonomie de l’être humain; promouvoir le bien-être et la sécurité des personnes ainsi que l’intérêt public ; garantir la transparence, la clarté et l’intelligibilité ; encourager la responsabilité et l’obligation de rendre des comptes ; garantir l’inclusion et l’équité ; promouvoir une IA réactive et durable.

Des points
de vigilance demeurent
L’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) entraîne son lot de questions dont celle de la responsabilité en cas d’erreur. Que se passe-t-il si l’IA se trompe et que le professionnel de santé suit tout de même sa recommandation ? Actuellement, la législation ne donne pas de réponse. Toutefois, les spécialistes de l’IA la considèrent comme un outil au service des professionnels de santé et non comme un système autonome. « C’est bien le médecin qui décide, c’est lui qui pose le diagnostic et propose le traitement », confirme Michel Dojat. « Il ne faut pas aller vers une soumission à l’outil », prévient de son côté Gabrielle Chenais. La chercheuse soulève par ailleurs une autre question : celle des biais liés au genre ou à l’origine par exemple qui peuvent influer sur les résultats de l’IA et engendrer des discriminations. « Il faut y prêter une attention particulière dès la conception en intégrant toutes les parties prenantes », considère-t-elle. D’où l’importance aussi de former les professionnels de santé à l’utilisation de l’IA et de bien les informer sur ses possibilités et sur ses limites.
Quant au fait de savoir si l’intelligence artificielle va permettre aux médecins de consacrer plus de temps à leurs patients, Michel Dojat estime que « c’est aux citoyens de le décider ». « Est-ce que l’on choisit de diminuer le nombre de médecins ou d’utiliser le temps gagné en faveur de l’interaction avec le patient ou des activités de recherche médicale ? C’est un choix de société que nous devrons faire collectivement. »
En somme, l’introduction de l’IA dans le domaine de la santé soulève des questions éthiques cruciales. Ces questions portent sur la confidentialité des données des patients, la prise de décision autonome par les algorithmes, la responsabilité en cas d’erreurs, et l’équité dans l’accès aux soins de santé. Il est essentiel d’aborder ces préoccupations éthiques afin d’assurer que l’IA soit utilisée de manière responsable et bénéfique pour la santé publique.
En définitive, l’intégration de l’IA dans le domaine de la santé offre un potentiel considérable pour améliorer les soins de santé. Cependant, il est impératif d’aborder les questions éthiques de manière proactive et de garantir que l’IA complète plutôt qu’elle ne remplace l’expertise humaine. Un équilibre judicieux entre l’innovation technologique et les préoccupations éthiques est essentiel pour garantir que l’IA améliore véritablement la santé de tous.