“Summary” est une chaîne égyptienne privée qui s’intéresse à l’actualité mondiale et arabe, ainsi qu’à la manière dont les journaux étrangers parlent de l’Egypte. La chaîne s’attache à transmettre une information claire, directement issue de ses sources, pour enrichir la connaissance du public. En abordant les grands dossiers de l’actualité dès qu’ils surviennent, la chaîne cherche à gagner la confiance des téléspectateurs dans le respect de l’éthique et de la concurrence loyale.
Propos recueillis par Mohamed El Sayed El Azzawy
On peut toujours se réinventer
Son visage est devenu familier sur YouTube et les réseaux sociaux. Ses vidéos, où il décrypte la presse mondiale et les grandes questions arabes, cumulent des milliers de vues. Pourtant, rien ne prédestinait Mohamed Mamdouh à une carrière dans les médias. Du marketing à la communication digitale, de la Roumanie à Dubaï puis en Egypte, son parcours est celui d’un homme qui a osé changer de voie, guidé par la curiosité, la résilience et une foi profonde en la connaissance. Dans cette interview, il revient sur son itinéraire singulier, ses épreuves et sa vision du journalisme à l’ère numérique.

- Je suis égyptien, profondément attaché à mes racines
Le Progrès Egyptien : Si nous parlons de Mohamed Mamdouh, comment pouvez-vous vous décrire ? Vous n’avez pas étudié la communication de masse, alors comment avez-vous envahi ce domaine ?
Mohamed Mamdouh : Je suis Egyptien avant tout. Mes racines, mes valeurs, tout vient de ce pays. J’ai étudié le management et le marketing à l’Académie maritime, puis j’ai obtenu plusieurs masters et certificats dans le même domaine, en présentiel et en ligne. J’ai commencé ma carrière dans le secteur du “sales”, chez Orascom et Lafarge. Ce fut difficile, mais formateur. J’y ai appris à comprendre les gens, à convaincre, à gérer la pression. Ces expériences m’ont donné confiance et m’ont préparé à affronter le monde professionnel avec courage. Mais un jour, j’ai ressenti le besoin d’un tournant. J’avais envie d’autre chose, de nouveauté.
– La Roumanie a été pour moi une école de vie
En 2009, j’ai pris le risque d’entrer dans le marketing digital, un domaine encore très jeune en Egypte. J’ai rejoint une société de Forex comme directeur du marketing en ligne. J’ai appris seul, en lisant, en cherchant, en expérimentant. C’était un défi, mais j’aime les défis. Quelques années plus tard, le destin l’emmène loin du Caire. “J’ai décidé de partir à l’étranger pour tester mes chances”, raconte-t-il. En Roumanie, un ami lui propose de promouvoir un projet médical : un petit hôpital avec des cliniques externes. “Il voulait que je fasse le marketing en ligne. C’était risqué à plusieurs niveaux, mais je suis quelqu’un qui n’a jamais eu peur de l’inconnu”. Le pari est réussi. Mohamed crée une stratégie numérique innovante, développe un site internet- une rareté dans le pays à l’époque- et attire de nombreux patients grâce aux réseaux sociaux. “Ce fut un succès réel. Nous avons généré des profits et j’ai compris la puissance du digital”.
Mais la vie lui réserve un tournant inattendu. Lors d’un congé, il accomplit avec sa mère la Umra (petit pèlerinage à La Mecque). “Là-bas, j’ai ressenti des émotions intenses que je ne comprenais pas. A mon retour, tout a basculé : le travail s’est compliqué, les obstacles s’accumulaient sans raison. J’ai vu cela comme un signe”. En 2014, Mohamed Mamdouh quitte la Roumanie et rentre en Egypte, un pays encore marqué par la révolution.
- J’ai connu des échecs, mais chaque chute m’a appris quelque chose
De retour au Caire, il tente de rebondir. Il décroche un poste de directeur marketing dans une grande pharmacie. Il s’efforce de faire émerger une marque face à de puissants concurrents. “J’ai essayé plusieurs stratégies, certaines ont fonctionné, d’autres moins. Mais je me suis battu”. Une demande d’augmentation refusée met fin à cette expérience. Il enchaîne ensuite un poste d’assistant marketing dans une compagnie pharmaceutique. Là, il découvre le pouvoir des influenceurs sur les réseaux sociaux, encore un phénomène nouveau à l’époque. Mais les difficultés matérielles persistent. Il quitte son poste, traverse une période de vide et d’incertitude. “Un matin, je me suis réveillé et j’ai compris que je n’avais rien. Mes amis avançaient, moi j’étais bloqué. C’était une prise de conscience douloureuse”.
Début 2020. Le monde s’arrête, frappé par la pandémie du Covid-19. Une société médicale à Dubaï lui propose un emploi, mais le projet est suspendu jusqu’à la fin du confinement. “J’ai compris que je devais créer ma propre chance”, dit Mohamed Mamdouh. Il publie alors une première vidéo sur YouTube, où il partage son opinion sur un sujet d’actualité. “Une seule vue, un seul commentaire… et c’était une insulte!”, sourit-il aujourd’hui. Mais loin de se décourager, il recommence. Inspiré par une émission d’Amr Adib, il commence à lire et à traduire des articles de la presse internationale, tout en les commentant. “C’est là que tout a commencé. J’ai voulu simplifier ces textes pour les rendre accessibles à tous. Je voulais que les gens comprennent ce que disent les journaux étrangers sur l’Egypte et sur le monde arabe”. Son approche sincère, pédagogique et rigoureuse séduit rapidement. “Je fais beaucoup de recherches avant chaque vidéo. Je choisis des sujets peu traités par les médias traditionnels. Je vais dans les coulisses, je cherche le fond des choses. Et surtout, je parle avec honnêteté. Je ne déforme pas les faits. C’est cette authenticité qui a bâti ma crédibilité”.

P.E. : Quel conseil donneriez-vous aux jeunes face aux difficultés et à la concurrence ?
M.M. : Travailler, travailler et encore travailler. Rien ne remplace l’effort. Il faut aimer ce qu’on fait, s’y investir sans se lasser. L’objectif ne doit pas être seulement la célébrité ou l’argent, mais l’évolution personnelle. Ne vous résignez jamais, même après un échec. J’ai appris à frapper à toutes les portes, à créer mes chances, à recommencer à zéro s’il le faut. Et surtout, ne cherchez pas d’excuses. Par exemple, ne dites pas que la langue est une barrière. La langue, c’est un outil pour comprendre les autres. Si vous voulez apprendre, vous le pouvez. Ne justifiez jamais l’échec.
- Mon rôle n’est pas d’imposer une opinion, mais de transmettre le savoir
P.E. : Que pensez-vous de la presse mondiale et de ses tendances ?
M.M. : En lisant plusieurs journaux, on comprend vite que chaque média a son angle, parfois une tendance. Mais en croisant les sources, on découvre qu’ils se complètent. C’est pourquoi je ne cherche pas à orienter le public. Mon rôle n’est pas de convaincre, mais d’informer. Je lis, je traduis, je commente, mais je laisse les gens juger par eux-mêmes.

P.E. : Quelle est votre prochaine étape ?
M.M. : Mon objectif est clair : faire de Summary la plus grande chaîne politique du monde arabe sur YouTube et les réseaux sociaux. Je veux devenir un influenceur politique de référence au Moyen-Orient, capable de transmettre l’actualité avec clarté, intégrité et proximité. Avec une persévérance à toute épreuve et une foi inébranlable en la connaissance, Mohamed Mamdouh illustre la réussite de ceux qui refusent d’abandonner. Son parcours, fait d’expériences, de chutes et de renaissances, est avant tout un message d’espoir, celui qu’on peut toujours se réinventer, à condition de croire en soi.





