Par Galal Aref
Al-Akhbar
Certes, il s’agit de la crise internationale la plus dangereuse depuis la chute de l’Union Soviétique il y a trente ans. Les relations entre la Russie et l’Amérique n’ont pas atteint ce niveau aussi mauvais comme c’est le cas actuellement avec l’impact de la crise ukrainienne. Bien qu’un affrontement militaire direct entre Moscou et Washington soit exclu, la crise (si elle n’est pas contenue) mettra le monde entier devant une nouvelle étape du conflit international, celle dont le monde a été témoin pendant les années de la guerre froide.
Le centre des événements est maintenant l’Ukraine… mais – en fait – c’est la quintessence de la plus grande crise entre la Russie et l’Amérique, et du conflit le plus dangereux qui les implique avec la Chine pour tracer les lignes de base d’un nouvel ordre mondial à succéder au système que l’Amérique menait depuis la Seconde Guerre mondiale, qui semble aujourd’hui avoir perdu sa validité face à des défis énormes, dont le premier et le plus important est le déclin de la puissance américaine face à la montée massive de la puissance chinoise, et un retour recalculé de la Russie après les années d’effondrement avec la chute de l’Union Soviétique, que l’Amérique a traitée comme sa victoire finale jusqu’à ce que la situation à Moscou impose un nouvel ordre avec « Poutine ». Le conflit est plus grand que l’Ukraine. C’est pourquoi le président ukrainien Zelensky a appelé les pays occidentaux à cesser d’intimider et de semer la panique sur la situation aux frontières entre son pays et la Russie (!!). La réponse américano-occidentale, qui prendra la forme de sanctions économiques sévères contre Moscou, dont les effets s’étendront bien sûr à l’Ukraine et à son peuple, créera des conditions économiques misérables malgré toute aide occidentale.
Les mêmes risques sont pris en compte par de nombreux pays d’Europe, qui savent qu’ils paieront – avec la Russie – le prix de l’escalade de la crise, et que leur économie épuisée après la crise du coronavirus ne supportera pas le fardeau de la confrontation, et ne trouveront pas facilement un substitut à l’approvisionnement en gaz russe ou à ses vastes marchés. Et l’Europe se rend compte de la chose la plus importante, qui est que la sécurité de tout le continent européen sera menacée, et que s’appuyer sur les efforts américains pour compenser l’Europe par rapport au gaz russe, ou pour garantir la sécurité européenne, n’est pas judicieux après son expérience avec l’ancien président Trump qui n’a pas caché son hostilité à l’unité européenne ni son manque de foi. C’est pourquoi la démarche française pour arrêter l’escalade s’intensifie, et le président Macron, qui préside l’Union européenne cette année, s’efforce de soutenir une solution politique à la crise, et l’Allemagne gère la crise avec beaucoup de prudence.
Les efforts des dirigeants européens (représentés par la France et l’Allemagne) se poursuivent avec le président Poutine, qui a annoncé – de son côté – que la Russie n’envahira pas l’Ukraine, et qu’il comprend que l’Amérique veut pousser la Russie à la guerre pour lui imposer des sanctions, et qu’il ne veut que des garanties pour la sécurité de son pays conformément aux accords auxquels l’OTAN s’est engagé envers son pays. L’Europe, qui a été le théâtre principal de deux guerres mondiales dévastatrices, ne veut pas d’une nouvelle guerre dont elle sait qu’elle en paiera le prix fort.
Je pense que l’effort franco-allemand peut maintenir vivante la voie de la solution diplomatique et l’amener à une formule acceptable qui protège l’indépendance de l’Ukraine, la sécurité de la Russie et éloigne – même temporairement – le spectre de la guerre.
La crise ukrainienne prendra fin et la crise des grandes puissances perdurera dans leur lutte pour diriger un monde où les rapports de force changent, et les durs labeurs d’un nouvel ordre mondial que nous espérons plus juste et plus humain.