Retour vers le centre du Caire, au milieu des embouteillages. La marée de voitures laisse une écume de pollution. “Le Caire, c’est l’antimodèle de la ville confortable. Mais on apprend à l’apprécier quand on commence à la connaître”, dit Mathieu Gousse, directeur du pôle éditorial de l’Ifao. Il conseille aussi de profiter des endroits calmes, à commencer par les quartiers Zamalek, Garden City ou encore la pointe de l’île Roda où se trouve le Nilomètre – qui permettait aux souverains d’évaluer l’impôt de leurs sujets selon le niveau du Nil et donc des récoltes.
La Cité des morts, souvent négligée, déroule l’histoire égyptienne sur plus de 1000 ans au travers ses cimetières qui s’étendent sur des kilomètres. Des mosquées de l’époque fatimide et mamelouk y voisinent avec des tombeaux-palais dont seule l’architecture spectaculaire rappelle l’âge d’or de l’aristocratie et de la bourgeoisie égyptienne. Beaucoup sont habités. Dès le Xe siècle, dit-on, des étudiants sont logés dans des complexes funéraires – comme les pèlerins et les gardiens de tombes. Au fil du temps, la population la plus démunie fait des va-et-vient dans les cimetières avec une intensification à la seconde moitié du XXe siècle. Des poches d’urbanisation ont même poussé de façon illégale.
C’est d’abord vers la mosquée Qaitbey, érigée au XVe siècle (celle qui figure sur les billets de 1 livre), que l’on se dirige. Derrière, le maq’ad (salon de réception pour visiter les tombes) a été joliment rénové il y a peu et accueille de temps à autres des expositions. Tout autour, des petits commerces, des artisans, des souffleurs de verre et, sur les toits, des élevages de pigeons. Plus loin, des chemins de terre et de sable donnent l’impression d’être à la campagne, hors du temps. On partira avant la tombée de la nuit pour des raisons évidentes de sécurité. Cette balade parmi les disparus en vaut la peine d’autant que la Cité des morts est bien vivante. La preuve, on y sent les effluves de cuisine.