Avec ses doigts ridés, le sourire aux lèvres et les lunettes chevauchant le nez, Osta Moustafa enfile les perles l’une après l’autre pour créer son chapelet. Longs ou courts, en plastique, en bois ou en pierres précieuses, ces colliers de toutes les couleurs à caractère religieux ornent certaines rues du Caire. Il y en a pour tous les goûts.

Son métier, fabricant de chapelets, n’est pas assez lucratif. Cependant, Osta Moustafa (Osta, titre honorifique donné aux artisans) en demeure fier et l’exprime en ces mots : « Ce métier m’a beaucoup appris. Il m’a enseigné la patience ». Plus qu’un symbole religieux, le chapelet égyptien reflète l’âme du pays…
Par : Hanaa Khachaba
La fabrication des chapelets en Egypte est beaucoup plus qu’un artisanat. Ce métier faisant appel à autant de patience que de minutie a une longue histoire et une signification religieuse importante dans la culture du pays. Les chapelets sont des objets utilisés pour la prière et la méditation dans différentes traditions religieuses, y compris l’islam et le christianisme.

En Egypte, Cette création artistique est souvent réalisée de manière artisanale. Les artisans utilisent différentes matières premières telles que le bois, le verre, l’ivoire, les perles, le corail, les pierres précieuses et les grainespour créer des chapelets uniques et magnifiques. Les techniques traditionnelles de fabrication sont transmises de génération en génération, préservant ainsi un savoir-faire précieux et un doigté exceptionnel.
Comme dit, les artisans utilisent une variété de matériaux. Chaque matériau donne un aspect différentet une sensation particulière au chapelet final. Après avoir soigneusement choisi les matériaux en fonction de leur qualité, de leur apparence et de leur signification symbolique (le bois d’olivier par exempleest souvent utilisé pour sa durabilité et sa signification religieuse, tandis que les perles et les pierres précieuses peuvent ajouter une touche de couleur et d’éclat), ils passent à leur préparation. Les matériaux bruts sont préparés en fonction de leur type. Par exemple, le bois est coupé, poncé et poli pour obtenir la forme désirée. Les perles et les pierres précieuses peuvent être triées et nettoyées avant d’être utilisées…etc. Les artisans assemblent ensuite les chapelets en enfilant les perles ou les graines sur un fil solide ou une corde spéciale. Ils utilisent souvent des techniques de nouage pour maintenir les perles en place et créer des boucles régulières. Certains artisans peuvent également ajouter des éléments décoratifs, tels que des pendentifs ou des symboles religieux, à la fin du chapelet. Une fois l’assemblage terminé, les artisans vérifient attentivement le chapelet pour s’assurer qu’il est solide et bien équilibré. Ils peuvent effectuer des ajustements et des finitions supplémentaires, comme polir les perles ou appliquer un vernis protecteur sur le bois.

Les Egyptiens appellent les chapelets « misbaha » ou « sibha », dérivé du verbe arabe « youssabih » qui signifie faire des louanges à Allah. Les chapelets sont couramment utilisés par les musulmans pour compter les répétitions de formules de prière, telles que le dhikr. Ils sont souvent fabriqués à partir de perles ou de graines, et peuvent être ornés de symboles religieux ou de motifs traditionnels. Ce qui explique la prospérité de cette activité artisanale pendant le mois de Ramadan.
Dans le christianisme copte, les chapelets sont également utilisés dans la prière. Les chapelets coptes sont souvent fabriqués à partir de perles ou de nœuds en fil, formant une série de boucles représentant les prières récitées. La fabrication des chapelets en est donc un mélange d’art, de tradition et de spiritualité, reflétant la diversité religieuse du pays et l’importance de la prière dans la vie des Egyptiens. Néanmoins, se monter un chapelet à la main représente dans la culture égyptienne deux stéréotypes purement opposés. Le premier, c’est l’image d’un homme pieux dont le chapelet lui tient de rappel de constamment faire des louanges ou demander pardon au Seigneur. En revanche, si une personne aux yeux hagards et au sourire sournois ne cesse d’égrener son chapelet, montrant un air louche…c’est qu’il s’agit d’un chapelet « paravent », qui sert de façade religieuse. Les deux stéréotypes sont profondément connus dans la société égyptienne. Seules la perspicacité et l’expérience vous aideront à distinguer l’un de l’autre.

En plus de leur caractère religieux, le chapelet a aussi un côté esthétique. Pas mal d’Egyptiens en décorent leur voiture, en le suspendant au rétroviseur. Ils croient que cet objet principalement religieux a le pouvoir de chasser le mauvais œil. On peut aussi s’en servir comme porte-clés ou un ornement à son sac à main.
Il existe différents quartiers et marchés où l’on peut trouver des artisans fabriquant des chapelets. Lequartier historique de Khan El Khalili, situé dans la vieille ville du Caire, est célèbre pour ses souks traditionnels où l’on peut trouver une grande variété d’artisanat, y compris des chapelets. Tout comme, le quartier de Sayeda Zeinab, connu pour sa mosquée éponyme, il abrite de nombreux artisans spécialisés dans la fabrication de chapelets et d’autres articles religieux. Plus généralement, aux alentours des grandes mosquées, s’installent souvent des marchands étalant à ras le sol leurs chapelets bon marché, fabriqués à partir de matériaux modestes.
Le Caire compte également de nombreuses églises coptes où l’on peut trouver des chapelets créés par des artisans locaux. Les églises Saint-Serge et Bacchus, Sainte-Vierge Marie et Saint-Marc sont quelques-unes des églises célèbres où vous pourrez trouver ces produits. La fabrication de chapelets peut également se trouver dans d’autres quartiers et marchés du Caire, et il est souvent intéressant d’explorer différents endroits pour découvrir la diversité de l’artisanat égyptien.