Prénom : Saja
Nom : Mohamed
Âge : 13 ans
Année scolaire : Première préparatoire
Ecole : Saint Vincent de Paul
On ne change pas, on met juste les costumes des autres sur soi. Une goutte d’eau qui tombe sur une terre sèche, c’est la même chose que les âmes qui sont parties ont fait avec leur vie. Une goutte qui a fait croître leurs racines, et leurs destins les a coupés sans pitié.
On ne change pas, avait murmuré George en regardant les photos jaunies. Les cinq A n’avaient pas changé, ils avaient simplement retiré, un à un, les costumes de la vie, jusqu’à retrouver leur essence nue. Et dans cette nudité, certains avaient trouvé la paix, d’autres le néant.
La chaîne des histoires est encore vivante tant que George n’a pas perdu l’esprit de la vie. Le cœur dur des gens progresse : ils abandonnent leurs parents, leurs femmes, leurs maris seuls comme des orphelins. Un amour qui tue, ce n’est pas un vrai ; c’est comme un trou dans une feuille tombée.
George, qui restait avec les pauvres abandonnés pour leur raconter les histoires de ceux qui les ont précédés, disait : « Une photo, une date, c’est à n’y pas croire.
C’était pourtant hier, mentirait ma mémoire ?
Et ces visages d’enfants, et le mien dans ce miroir, me rappellent les histoires de mes proches. Mélanie et ses enfants ont perdu la tête en abandonnant leur mère qui était prête à payer toute sa vie pour eux. La gamine de Stéphanie qui l’a abandonnée, ma deuxième femme qui m’a abandonné, la femme de Roméo qui a détruit le cœur de la femme de Fabien. » Ce sont les grandeurs de cette maison.
Parmi toutes les personnes qui sont venues à la maison, une bande est entrée ensemble : trois garçons, une gamine, et deux femmes qui avaient des rides sur le visage et qui tenaient une béquille. George les a reconnus rapidement dès qu’il les a vus. C’étaient les enfants de Mélanie, la femme de Roméo, sa femme qui l’a abandonné et qui avait le visage brûlé, ainsi que la gamine de Stéphanie.
Il alla leur parler en disant : « Vous venez pour voir qui ? Votre mère Mélanie qui est morte, ou Stéphanie qui a été abandonnée par tout le monde et qui a sacrifié sa vie pour sa nouvelle amoureuse et qui est morte elle aussi ? Et toi, chérie ? Tu viens pour voir la vieille chaussette que tu as laissée ici sans pitié ? »
La bande regardait par terre. L’un des garçons de Mélanie lui a dit : « Oui, on a laissé notre mère comme une poubelle ici. Oui, on a dit à nos femmes que notre mère est décédée, mais à présent on a besoin d’elle. »
« Et elle n’est plus là. Qu’est-ce que vous allez faire ? Elle est morte avec une larme sur sa joue. Et toi, la fille de Stéphanie, pourquoi es-tu là ? » a déclaré George en grondant, son cœur plein de peine pour ses amis morts.
« Je suis venue pour voir mon père. Je suis restée dans la rue pendant deux ans, sans abri et sans nourriture. Ma nourriture était la poubelle. Pour empêcher la pluie de m’écraser, j’avais un carton froissé. Donc là, j’ai pensé venir voir mon père pour le réconforter », a annoncé la pauvre.
« Allez les enfants, du vent et laissez-moi avec mon mari un peu », a dit Isabelle, la femme de George.
« Et mon amour, pourquoi es-tu si furieux contre ces gens morts ? Mais regarde plutôt ta femme qui est venue pour te voir », a-t-elle dit en lui donnant un câlin.
« Ne t’approche pas de moi. Mon corps est libéré de tes mythos. Tu m’as abandonné. Si tu es venue me voir, alors sors dehors, mais si tu es venue parce que tu es seule dans la vie, alors je pars », a dit George en laissant sa femme et en partant de la maison.
George marcha vers la sortie, sans se retourner. Le portail de la maison de retraite grinca derrière lui comme un adieu. Pour la première fois, il sentit le poids des costumes qu’il avait portés — époux, ami, consolateur — tomber de ses épaules. Il n’était plus George le survivant, mais simplement un homme sous le ciel ouvert.
Et George comprit enfin : la vie n’était pas dans les cinq sens, mais dans le sixième – celui qui survit quand tous les autres s’éteignent : le sens de continuer.
C’est la fin. Chaque histoire a une fin. Personne ne pourra vivre jusqu’à la fin de la vie. La vie, c’est donner, pas récupérer. Tout peut s’oublier, sauf les mots gravés dans notre cœur.
Encore un soir, encore une heure, encore une larme de bonheur. Une faveur, comme une fleur. Un souffle, une erreur. Un peu de nous, un rien de tout.
Fin





