L’art, sous toutes ses formes, a toujours été un miroir de la société, reflétant ses aspirations, ses luttes et ses transformations. Cependant, lorsque l’art est instrumentalisé à des fins politiques, il perd son essence même : celle d’être un espace de liberté et d’expression. L’incident récent en Turquie, où une actrice a été licenciée pour avoir soutenu un appel au boycott lancé par l’opposition, illustre parfaitement les dangers de mélanger politique et art.

Par : Hanaa Khachaba
Onze personnes interpellées pour avoir relayé des appels au boycott lancés par l’opposition turque après l’arrestation du maire d’Istanbul ont été relâchées sous contrôle judiciaire en Turquie. Parmi les onze personnes arrêtées figurait l’acteur Cem Yigit Uzumoglu ayant incarné Mehmed le Conquérant dans un docu fiction diffusé sur Netflix, a annoncé le Syndicat turc des acteurs dont des cadres se sont dirigés en milieu de journée vers le palais de justice d’Istanbul où les prévenus ont été déférés.
Une actrice, Aybüke Pusat dans une série diffusée par la chaîne publique turque TRT avait déjà fait les frais d’un message relayant un appel au boycott. La chaîne a annoncé le retrait de l’actrice du casting de la série toujours en cours : les scènes déjà réalisées seront tournées de nouveau, sans elle.
En parallèle, le groupe britannique Muse a choisi d’ajourner un concert prévu en juin à Istanbul, en réponse à des appels au boycott visant l’organisateur de l’événement accusé de soutenir le gouvernement face aux manifestants.
Ces arrestations sur fond de prise de position politique, soulève un débat houleux. La politique agit-elle parfois comme bâillon à la créativité ?
L’art doit rester un domaine où les idées peuvent s’exprimer librement, sans crainte de représailles. Lorsque des artistes sont punis pour leurs opinions politiques, cela crée un climat de peur et d’autocensure. Les artistes ne devraient pas avoir à choisir entre leur carrière et leurs convictions. Leur rôle est de questionner, de provoquer la réflexion et de susciter le débat, non de servir les intérêts d’un parti ou d’un gouvernement.
La séparation de la politique et de l’art est cruciale pour préserver la diversité des voix et des perspectives. Lorsque l’art est utilisé comme un outil de propagande ou de répression, il perd sa capacité à inspirer et à transformer. Certains régimes ont souvent recours à cette tactique pour étouffer la dissidence et maintenir leur pouvoir. En revanche, dans une société démocratique, l’art doit être encouragé à explorer toutes les facettes de l’expérience humaine, y compris celles qui sont inconfortables ou controversées.

Il est également important de reconnaître que les artistes, en tant que citoyens, ont le droit d’exprimer leurs opinions politiques. Leur voix ne devrait pas être réduite au silence simplement parce qu’ils travaillent dans un domaine public. Au contraire, leur position leur offre une plateforme unique pour sensibiliser le public aux questions importantes et mobiliser les foules sur des causes sociales ou autres.
En fin de compte, la liberté artistique est indissociable de la liberté d’expression. Protéger cette liberté signifie garantir que l’art reste un espace où toutes les voix peuvent être entendues, même celles qui défient le statu quo. C’est seulement dans un tel environnement que l’art peut véritablement prospérer et contribuer positivement à la société.
L’incident en Turquie sert de rappel poignant des conséquences néfastes lorsque la politique empiète sur l’art. Il est impératif que les sociétés veillent à maintenir cette séparation, non seulement pour protéger les artistes, mais aussi pour préserver l’intégrité et la puissance de l’expression artistique.