Par: Marwa Mourad
« La splendeur du monde est là, à portée de regard. » À travers une trentaine de textes lumineux, profonds et personnels, la philosophe Laurence Devillairs nous donne « rendez-vous avec la beauté », au sein de laquelle elle distingue la splendeur, « comme une lumière qui tout à coup s’allume ». Sa plume sensible et percutante invite, déjà à travers la beauté des mots eux-mêmes, à vivre l’expérience esthétique, à la fois individuelle et universelle, comme un élan vital. Beauté-surprise de la nature, de la culture, à travers laquelle chacun est appelé à rencontrer le monde et se trouver soi-même, beauté qui brouille les frontières entre l’extraordinaire et le quotidien, l’ailleurs et l’ici, puis qui libère, console et guérit.
Pour s’en laisser saisir, il suffit de changer de regard sur ce qui nous entoure.
Un livre bénéfique, qui élargit le cœur.”
De quoi il s’agit?
« C’est beau ». En trois mots, tout est dit.
Devant un paysage comme devant un tableau, les mêmes trois mots. Que veulent-ils dire ? Qu’expriment-ils : un plaisir, une préférence, une appréciation culturelle ? Et si c’était tout cela à la fois et bien plus encore ? Et si la beauté, notre capacité à la voir, à la sentir et à l’entendre, était la manière singulière et profonde que nous avons d’être vivants, sur cette Terre ?
Au fil d’une trentaine de textes lumineux, mettant en scène ses propres expériences esthétiques, Laurence Devillairs tente d’élucider le mystère de la rencontre avec la beauté et nous invite à réapprendre à voir le beau, qui nous échappe souvent par manque de temps ou conformisme.
Elle propose pour cela des « exercices d’esthétiques appliqués » – tenter d’apprécier ce qu’on n’aime pas, voyager comme Bouvier sans attentes ni plans, accomplir non pas une bonne action mais un beau geste. Le jeu en vaut la chandelle ; qu’elle soit naturelle, créée ou bien même morale, la beauté nous fait une grande promesse, celle d’être émerveillés, changés et d’exister de façon plus accomplie.
Quel en est le but ?
Dans cet ouvrage généreux et limpide, très personnel et à la fois soucieux de faire entendre des points de vue partageables par tous, Laurence Devillairs fait comprendre de juste façon les conditions, la nécessité et l’urgence de se faire sensible à la beauté : « Je veux voir, et voir encore. Tout cela vaut la peine. » Mais il faut apprendre à voir, se défaire de ce qui fait obstacle à l’émotion esthétique. L’air du temps baigné de maîtrise et de calculs technologiques, pris par la frénésie du « faire », ne favorise pas cette expérience qui exige à la fois d’être présent au monde sans y être affairé. La splendeur qui rayonne des choses de la nature et de l’art n’est pas une tapageuse et clinquante beauté, ni l’objet d’un émerveillement aveuglant, mais la lumière, l’éclat d’une réalité qui nous fait entrer dans le sentiment d’une transcendance du monde lui-même, nous y inscrit, nous grandit, intensifie nos existences. Disponibles à la beauté qui s’offre à nous, nous sommes en même temps donnés à nous-mêmes : « L’expérience esthétique est une autre preuve de l’existence de soi » autant que le cogito. L’autrice a de très belles pages sur le voyage qui, lorsqu’il n’est pas du tourisme programmé, est une occasion privilégiée de partir, ailleurs, là-bas, à la rencontre de nouvelles splendeurs, dépaysantes, sombres parfois. Car il y a des beautés sombres, meurtries et tourmentées. Elle en vient à considérer le lien entre l’esthétique et l’éthique. Nous sommes garants de la beauté du monde, responsables de son enlaidissement, de sa profanation. Et de conclure : « À chaque fois que l’on accomplit le bien, on ajoute de la beauté au monde » car « le courage est une splendeur ».
Qui est Laurence Devillairs ?
Nationalité : France
Né(e) : 1969
Biographie :
Normalienne, agrégée, docteur en philosophie, habilitée à diriger des recherches (Sorbonne université), spécialiste du XVIIe siècle et de philosophie morale, Laurence Devillairs a notamment publié Petite philosophie de la mer (La Martinière, 2022) ; Etre quelqu’un de bien. Philosophie du bien et du mal (Puf, 2019), Guérir la vie par la philosophie (Puf, 2017) ; Un bonheur sans mesure (Albin Michel, 2017). Elle est également l’auteur de Brèves de philosophie (Seuil, “Points”) ; 100 citations de philosophie et René Descartes (Que Sais-Je ?).