Par Samir Abdel-Ghany





Dans le cœur palpitant d’Alexandrie, ville de lumière et de sel, une métamorphose silencieuse s’opère entre les mains d’un homme. Hany El Sayed, sculpteur égyptien né en 1972, transforme la rouille et l’oubli en éclats de beauté. Diplômé de la faculté de l’éducation artistique d’Alexandrie en 1995, il n’a jamais suivi les sentiers battus. Il a préféré tracer sa voie dans les interstices de l’art, là où les matériaux déchus retrouvent souffle et noblesse.
Son exposition actuelle, La Traversée, présentée à la Galerie Yassin à Zamalek, est bien plus qu’une simple collection d’œuvres : c’est un voyage initiatique, une exploration poétique de l’âme humaine, portée par les formes mouvantes d’un art en perpétuel questionnement. Ferrailles et métaux oubliés deviennent, sous l’impulsion de l’artiste, des fragments de mémoire, des épaves qui se font messagères d’un passé mythique et d’un avenir rêvé.
Le critique d’art Dr. Moustafa Issa, évoquant cette exposition, écrit :
« Dans cette traversée, Hany El Sayed puise dans le réservoir du patrimoine, notamment pharaonique, où la barque n’est plus simple embarcation, mais vecteur de pensée, trace mémorielle et matière plastique. Elle devient le support d’une réflexion esthétique qui lie le passé au contemporain sans jamais les opposer. »
Le visiteur ne peut que ressentir, face aux œuvres, l’intensité de l’effort intellectuel et sensible fourni par l’artiste. Originaire d’Alexandrie, il évoque les barques familières du port, reconnaissables et pourtant transfigurées. Ce ne sont plus des objets flottants, mais des vaisseaux de l’intime, porteurs des émotions profondes de l’artiste. Chaque sculpture semble dire : je suis ce que tu crois connaître, mais je viens d’ailleurs…
Le style de Hany El Sayed oscille entre abstraction et expressionnisme. Il cherche l’essence, pas l’apparence. Il laisse à celui qui regarde la liberté d’interprétation, d’errance, de rêverie. Il traite de l’humain, du social, de l’écologie, avec une force visuelle rare : jeux d’équilibres, vides qui respirent, masses qui vibrent.
Mais l’œuvre d’Hany ne se limite pas aux galeries. Elle déborde, descend dans les rues d’Alexandrie qu’il pare de sculptures monumentales, comme son célèbre monument en fer à Smouha, ou ses fresques de bronze dans des écoles et entreprises. Son art a voyagé, lui aussi, jusqu’en Italie, au Japon, en Inde et en Chine, où il a été salué pour sa singularité et son engagement.
Son talent n’est pas passé inaperçu : il a reçu plusieurs prix prestigieux en Égypte, notamment ceux du Salon de la jeunesse et du Ministère de l’Enseignement supérieur. Son œuvre la plus emblématique reste peut-être le trophée du “Homme du match” conçu pour la Coupe d’Afrique des Nations 2019 — une reconnaissance continentale, sculptée dans le feu de son génie.
Hany El Sayed continue d’insuffler la vie là où d’autres ne voient que débris. Il nous rappelle que la beauté se cache souvent dans les plis de l’abandon, et que l’art véritable naît parfois du plus humble des commencements.
À tous les amoureux de sculpture, cette exposition est une invitation à la dérive. Une brise de sel flotte dans la salle. Des idées en forme de songes vous attendent. Et le merveilleux, lui, est partout.