A moins d’un mois des élections législatives allemandes, les jeux n’ont jamais été aussi ouverts. La fragmentation du paysage politique devrait imposer une coalition tripartite, une première dans l’histoire de la République fédérale, de nature à fragiliser la stabilité politique du pays, analyses Les Echos, dans son édition publiée le 31 Août 2021.
Qui dirigera l’Allemagne cet automne ? A trois semaines des élections fédérales qui marqueront la fin de seize ans de règne d’Angela Merkel, les paris sur sa succession n’ont jamais été aussi incertains. Et pour cause, c’est la première fois depuis l’après-guerre que le chancelier en exercice ne se représente pas et ne peut donc faire valoir son expérience.
Cette situation inédite se double d’une volatilité extrême de l’humeur des électeurs dont la fébrilité a été exacerbée par la succession des crises : sanitaire avec le coronavirus, climatique avec les inondations estivales et désormais internationale avec la débâcle afghane.
Alors que l’Union CDU-CSU faisait la course en tête avant la trêve estivale et qu’une coalition avec les Verts semblait probable, le parti d’Angela Merkel a dégringolé autour de 22 % dans les sondages au rythme des bourdes de son candidat Armin Laschet. Quant aux écologistes, ils ne sont pas parvenus à faire oublier celles d’Annabela Baerbock au printemps et sont repassés sous la barre des 20 %.
Au lieu de relancer la cause écologiste, l’épisode des pluies violentes qui se sont abattues sur le pays en juillet a fait surgir un joker : le vice-chancelier social-démocrate Olaf Scholz. La photo en majesté de celui dont la base du parti n’avait pas voulu faire son président à l’automne 2019, le jugeant trop à droite, surplombe désormais l’entrée du siège berlinois du SPD accompagnée du slogan «Olaf Scholz assure». En quasi-soins intensifs il y a quelques mois, le SPD se trouve au coude-à-coude avec l’Union CDU-CSU, et il le devance même d’un point ou deux points, à 23 % ou 24 % dans deux récents sondages, creusant l’écart avec le parti écologiste. Le SPD et le parti d’Angela Merkel affichant leur refus de s’allier de nouveau dans un gouvernement futur, « les Verts devraient rester incontournables mais ils n’ont plus aucune chance d’accéder à la chancellerie », assume le politologue Tilman Mayer. La perspective d’un virage générationnel à la tête de l’Allemagne s’est éloignée : en cas de vote direct, la jeune quadragénaire Annabela Baerbock ne disposerait plus que de 12 % de suffrages, contre 41 % pour le sexagénaire Olaf Scholz, et 16 % pour son contemporain Armin Laschet, selon un sondage de ARD DeutschlandTrend. Le régime parlementaire veut qu’on n’élise pas en Allemagne une personne mais un parti, et la part de l’abstention, que le coronavirus et la lassitude dans une année qui a déjà eu trois scrutins régionaux, ajoute à l’incertitude.