Sous les voûtes du Palais de la Culture d’Ismaïlia, les couleurs, les voix et les rires d’enfants ont remplacé le silence des murs. Là, dans une atmosphère à la fois studieuse et joyeuse, s’est ouvert le 39ᵉ Semaine culturelle des enfants des provinces frontalières, organisée dans le cadre du projet « Ahl Masr » (Les Gens d’Égypte), placé sous le patronage du ministre de la Culture, Dr Ahmed Fouad Hanno, et dirigé par l’Autorité générale des Palais de la Culture sous la présidence du général Khaled El-Labban, autour d’un slogan porteur d’humanité : « L’homme avant tout ».
L’art comme langage du cœur
Cent soixante enfants venus des confins du pays — du Sinaï au désert occidental, d’Assouan à Marsa Matrouh — se sont rassemblés pour une aventure unique où le rêve se mêle à la mémoire de la civilisation. À travers les pinceaux, les mots, les chants et le bois, ils redécouvrent l’âme de l’Égypte ancienne, lui offrant un visage nouveau, celui de la jeunesse.
Dans l’atelier de fresque dirigé par Fatma Temsah et Achraf Abdel-Gawad, les enfants ont imaginé une grande œuvre murale intitulée « L’Égypte, entre passé et présent ». Sur dix mètres de couleurs et de lumière, lotus, pharaons et visages d’aujourd’hui se rejoignent pour raconter une seule histoire : celle d’un peuple qui n’a jamais cessé de créer.
Salma Mohamed, venue du Sud-Sinaï, a confié avoir découvert « la magie des dégradés » et appris à harmoniser les tons selon l’esprit du tableau. Quant à Ammar Mostafa, d’Assouan, il s’est émerveillé de « l’équilibre entre les formes et le rythme du dessin », découvrant que chaque ligne pouvait être une émotion.
La photographie, le théâtre, la musique : D’autres langages de beauté
Sous l’œil attentif du photographe Dr Mohamed Ismaïl, les enfants ont exploré les secrets de la lumière, de l’ombre et du mouvement. Meryem Ahmed, de Nord-Sinaï, s’est initiée à l’art du cadrage, tandis que Mohamed Mohamed, d’Assouan, a appris à corriger les erreurs les plus fréquentes et à saisir la beauté d’un regard furtif ou d’un rayon de soleil.
Dans l’atelier d’écriture, le scénariste Walid Kamal a guidé de jeunes plumes dans l’élaboration d’un scénario intitulé « Égypte, berceau de civilisation ». Les enfants y apprennent à construire un personnage, à faire naître un conflit, à transmettre un message. « J’ai compris que les mots pouvaient changer les cœurs », raconte Maram El-Sayed, le regard brillant.
Sur la scène du Palais, le comédien Mohamed Hamed a transformé l’apprentissage en fête. Les voix des enfants résonnaient dans un spectacle intitulé « Civilisation d’Égypte », ponctué de chants patriotiques et d’instants de fierté partagée. « J’ai appris à avoir confiance en moi », avoue timidement Nour Mohamed, du Nouveau-Val. Et lorsque la musique du Dr Wael Awad s’élève, c’est toute la salle qui vibre. Les enfants interprètent avec passion des chants populaires et patriotiques — « Halaouet Chamsina », « Entibah », « Taazim Salam » —, donnant à chaque note un éclat de sincérité.
Entre artisanat et poésie : la main qui pense et le cœur qui crée
Des ateliers de menuiserie, de broderie et de khayamiya ont permis aux jeunes de renouer avec les arts traditionnels. Sous la direction de Hossni Ibrahim, le bois s’est transformé en arabesques et silhouettes gravées. Emad Ibrahim, quant à lui, a initié les enfants aux motifs pharaoniques : lotus, yeux d’Horus, et symboles de renaissance.
Dans l’atelier de perles animé par Mona Abdel-Wahab, les doigts minuscules tissent des sacs étincelants, tandis qu’Iman Nouh transforme les matériaux recyclés en œuvres inspirées des temples et des hiéroglyphes.
Et puis, il y eut la poésie. Le poète Saïd Chahata a écouté les voix enfantines déclamer « Au nom de l’Égypte » du grand Salah Jahine. Certains tremblaient, d’autres s’enflammaient, mais tous portaient la même flamme.
Une Égypte de demain, enracinée dans la mémoire
Le projet « Ahl Masr » s’inscrit dans la vision du ministère de la Culture visant à soutenir les jeunes des zones frontalières, à éveiller leur sens du patrimoine et à renforcer leur sentiment d’appartenance. Sous la supervision de Dr Hanan Moussa, présidente de l’administration centrale des études et recherches, et en collaboration avec le Région culturelle du Canal et du Sinaï dirigée par Dr Chouaïb Khalaf, ce programme tisse des ponts entre les enfants du pays tout entier.
Des visites culturelles — à la mosquée Abbassie, à la vieille église de la Vierge Marie — rappellent à ces jeunes artistes que leur art est aussi un héritage. Et, le temps d’un jour, le sport, la joie et les jeux viennent sceller ces liens nouveaux, plus forts que les frontières.
Ainsi, à Ismaïlia, les enfants de l’Égypte ancienne et ceux de l’Égypte d’aujourd’hui se rencontrent. Dans leurs dessins, leurs chants, leurs mains encore tâchées de couleur, se lit la promesse d’un pays qui continue de rêver. Car, dans chaque regard émerveillé, brille la même conviction : l’art, c’est l’Égypte, et l’Égypte, c’est l’humanité.





