L’automne s’installe comme une saison de transition, un souffle tiède qui s’éteint peu à peu sous le vent froid à venir. Dans la lumière dorée qui glisse entre les branches, les couleurs se fanent doucement, passant du rouge profond aux bruns feutrés. Cette période charnière porte en elle une douce mélancolie : celle des jours qui raccourcissent, des souvenirs qui resurgissent, et d’une nature qui semble chercher un dernier éclat avant le repos.

Deux automnes, deux âmes : L’Égypte et l’Europe sous des ciels différents
L’automne n’a pas le même visage partout. En Europe, il s’avance comme un vieux peintre qui trempe ses pinceaux dans l’or et le feu. En Égypte, il se glisse avec discrétion, tel un souffle tiède qui apaise les brûlures de l’été. Entre ces deux mondes, la saison change de sens, de ton et même d’âme.
L’automne européen : Le temps suspendu de la beauté qui s’éteint
En Europe, l’automne est une poésie visible. Il suffit d’arpenter les forêts pour sentir la terre respirer un dernier souffle avant le sommeil. Les arbres se parent de mille nuances — rouge écarlate, ocre, brun profond, jaune soleil — comme s’ils brûlaient d’un feu intérieur avant de s’éteindre.
Les jours se raccourcissent, le vent s’invite par les interstices, les parfums se font plus lourds, et la lumière, filtrée par les nuages, se dépose sur les paysages comme une caresse mélancolique.
Les citadins ressortent leurs manteaux, les vitrines s’illuminent de douceurs sucrées, et le thé chaud devient un rituel quotidien. L’automne, là-bas, c’est la saison de la lenteur retrouvée, du retour à soi. On lit plus, on marche sous la pluie, on rêve devant la fenêtre.
C’est une saison de nostalgie heureuse, où la beauté se mêle à la fragilité du temps.
Mais derrière cette splendeur se cache une forme de deuil. L’automne européen annonce la fin du cycle, la mort symbolique de la nature avant sa renaissance. Les feuilles tombent, les champs se vident, les oiseaux migrent. Tout se retire pour mieux renaître au printemps. C’est une leçon de modestie : la nature enseigne qu’il faut accepter de perdre pour mieux recommencer.
L’automne égyptien : Le deuxième été, celui de la respiration
En Égypte, ce tableau est tout autre. Ici, l’automne ne pleure pas l’été — il le prolonge. Le pays ignore les teintes rousses et les brumes matinales; la terre reste chaude, les palmiers demeurent verts, et le Nil continue de miroiter sous un soleil fidèle.
L’automne égyptien est une paix retrouvée après les mois étouffants de juillet et d’août. La chaleur reste, mais elle se fait clémente, respirable, presque aimante.
À Alexandrie, le vent de mer devient plus doux, les plages se vident de la foule estivale, et les habitants redécouvrent le plaisir de marcher sur la corniche sans transpirer. À Dahab, à Marsa Alam, à El-Gouna, les eaux turquoises accueillent les visiteurs tardifs : des familles, des
amoureux de la tranquillité, des voyageurs qui préfèrent le murmure à la cohue.
C’est la saison idéale pour flâner au bord de la mer, entre le bleu constant du ciel et le silence apaisé du sable. Dans les jardins du Caire, les bougainvilliers continuent de fleurir, et les cafés en plein air reprennent vie.
L’automne en Égypte, c’est le luxe de vivre l’été sans ses excès.
Et quand l’Europe revêt ses manteaux et s’abrite du vent, les Égyptiens, eux, ouvrent grand leurs fenêtres. Ils respirent enfin. Le pays s’offre une respiration, un équilibre parfait entre lumière et douceur.
Deux perceptions du monde
L’automne européen émeut par sa transformation. Il raconte le passage, la métamorphose, l’acceptation du changement. L’homme y trouve une résonance intime : la nature qui se dépouille lui rappelle sa propre fragilité, sa propre finitude. C’est une saison d’introspection.
L’automne égyptien, lui, inspire une autre sagesse : celle de la stabilité et de la continuité. Il ne bouleverse pas, il apaise. Là où le Nord célèbre la chute des feuilles, le Sud célèbre la persistance du soleil. Là où l’un se prépare à hiberner, l’autre se remet à vivre.
On pourrait dire que l’Europe médite pendant que l’Égypte respire. Deux rythmes, deux philosophies du temps : l’un tourné vers le recueillement, l’autre vers la redécouverte.
Une saison de contraste et de dialogue
Et pourtant, entre ces deux automnes, un même fil invisible relie les cœurs : le besoin de beauté, de silence, d’équilibre.
Les Européens s’émerveillent des forêts embrasées, les Égyptiens des couchers de soleil sur la mer Rouge. Les uns se réchauffent auprès du feu, les autres se baignent dans une lumière tempérée. L’automne, en vérité, n’a pas de frontières. Il ne se définit pas par ses couleurs, mais par la sensation qu’il laisse en nous. En Europe, il apprend à dire adieu avec grâce. En Égypte, il enseigne à vivre la constance sans ennui. Dans ce pays où le sable se mêle au ciel, où les saisons se fondent sans fracas, l’automne n’est pas une fin : il est une respiration, un entre-deux, une promesse de douceur.
Et peut-être est-ce là le secret de son charme : là où le monde se couvre, l’Égypte s’ouvre. Là où les autres dorment, elle veille, baignée d’un soleil qui, même à l’automne, ne se lasse jamais d’aimer.



